Carlos Ghosn

Conférence de Presse de Carlos Ghosn : en communication de crise, la vérité est le meilleur placement 👮

« Si tu fais naufrage deux fois, tu ne peux plus accuser la mer ». Philippe Corti

La communication de crise de Carlos Ghosn ou le dur chemin de la rédemption médiatique.

Depuis que j’ai crée l’agence LaFrenchCom, pas un jour ne passe sans que je doive répéter à mes clients confrontés à une crise que la vérité vaut beaucoup mieux que le mensonge qui est une spirale fatale. Depuis ce matin, de nombreux médias m’interrogent sur cette conférence de presse annoncée par Carlos Ghosn.

« Que dire de cette conférence ? Comment se prépare une communication de crise dans ces conditions ? Que doit-il dire ou au contraire, ne pas dire ? Que fait concrètement l’agence de communication de crise dans ce cadre ? Quel conseil donner face à la crise pour bien communiquer ? etc… »

D’abord, je n’ai aucun conseil à donner à ma remarquable consoeur Anne Méaux qui dirige l’Agence Image7 pour qui j’ai beaucoup d’estime.

Voilà quelques éléments rapides de réponses aux questions posées.

Carlos Ghosn et ses communicants de crise savent évidemment que remonter la pente en termes d’image sera long. La Crise est à la communication ce que l’Urgence est à la médecine générale.

L’expert en communication sous contrainte judiciaire professionnel va chercher à obtenir des articles favorables à son client alors que jusque là sa parole n’était pas libre. Seule la parole des autorités judiciaires se faisait entendre. La parole des avocats était très faible, en l’absence d’une véritable incarnation en la personne de Carlos Ghosn. A ce stade, sa vidéo cheap mise à part, Carlos Ghosn ne s’est jamais exprimé librement. Or, en crise, ne pas communiquer c’est laisser les autres le faire à sa place.

Le spécialiste de la communication de crise, habitué à gérer les procès, est, dans ces conditions, d’abord un bouclier face aux sollicitations médiatiques pour permettre à son client de se préparer sereinement.

Avec cette conférence de presse, on quitte la partie strictement juridique des instructions en cours ou de la préparation de procès assurée par les avocats pour sauvegarder la réputation médiatique du justiciable, son image, pour que pendant l’éventuel procès, quelle qu’en soit l’issue, il puisse tout simplement vivre normalement (sortir en famille, garder la tête haute, travailler…).

Disons le tout de suite, le fait de se croire innocent ne peut pas lui épargner d’avoir à s’expliquer et de prouver qu’il n’était pour rien dans les détournements potentiels ou les abus révélés. C’est l’une des erreurs de communication de crise à éviter pour Carlos Ghosn.

Les objectifs de la communication sous contrainte judiciaire sont les suivants :

  • Contrer les effets des informations négatives diffusées par la presse
  • Faire connaître le point de vue de son client, « sa vérité »
  • Assurer une couverture média équilibrée
  • Aider les médias et le public en général à comprendre sa situation juridique complexe et les conditions de son évasion afin de lutter contre les rumeurs qui n’ont pas manqué d’être diffusées
  • Désamorcer l’environnement médiatique et digital hostile

Le spécialiste en communication sous contrainte judiciaire est un expert en communication de crise dont l’un des mandats est de tout faire pour aider son client à conquérir l’opinion publique qu’il convoite pour l’aider à se sortir des impasses dans lesquelles il est plongé et pour protéger son image contre les attaques dont il fait l’objet mais aussi contre ses propres erreurs de parcours. En cela, le communicant de crise est souvent gênant pour les entourages et pour les magistrats qui n’aiment pas les communicants, dont le rôle est de souligner les lacunes de leurs instructions et les contradictions de leurs décisions, comme celle de maintenir en détention préventive un client.

L’enjeu de la conférence de presse de Carlos Ghosn, c’est de réussir à imposer ses messages, notamment face à ceux, accablants, du procureur japonais qui ont occupé la majorité de l’espace médiatique, en l’absence de contradiction. Pour être efficace, Carlos Ghosn a intérêt de miser à fond sur le parler vrai avec ses mots, pas des formules de communicant qui sentent bon la mise en scène et les médiatrainings.

Il a, à mon sens, pour le moment, perdu la bataille médiatique qui s’est jouée à son détriment. Comme dans l’affaire François Fillon, la communication de crise de Carlos Ghosn, misant sur la théorie du
complot, s’est révélée particulièrement maladroite, incapable de convaincre l’opinion publique de son innocence.

Avec cette conférence de presse, Carlos Ghosn ne laisse pas passer la tempête pour s’exprimer. La vague médiatique et digitale ne s’est pas retirée. Il sait dés lors qu’il est dans l’oeil du cyclone médiatique,
ce qui appelle une communication de crise particulière. Il était temps qu’il prenne la parole.

Pour répondre efficacement, il faut comprendre d’où il part médiatiquement. Or, le procès qui lui a été fait médiatiquement, c’est d’abord celui d’un management opaque, cocktail de collusions
administrativo-comptables et d’enjeux d’avidités personnelles et de pouvoir mais aussi de carences de gestion.

Cette conférence de presse est indispensable mais elle ne suffira pas à installer médiatiquement « un nouveau personnage Carlos Ghosn ». Elle n’est qu’un élément de sa communication de crise dans le processus de restauration de son image et de sa réputation plus globale.

Une conférence de presse ne suffira jamais à réparer les dégâts commis par les milliers d’articles publiés comme d’un coup de baguette magique. Une conférence de presse de crise comme celle-là est une
étape pour reconstruire l’image de Carlos Ghosn.

Cette conférence de presse signe le fait que le moment de la contre-attaque est arrivé. A la fois sur le plan journalistique, médiatique et judiciaire.

La « bonne » communication de crise, ici, c’est d’abord de faire connaître la vérité vraie ; de désamorcer les rumeurs et de tenter de poser une riposte qui ouvre un nouveau chapitre de cette histoire en détournant le regard ailleurs.

Pour restaurer l’image de Carlos Ghosn, il faut taper fort. Ne pas se tromper dans l’argumentation. Veiller à ce que chaque mot prononcé ne se retourne pas contre son auteur. Désamorcer l’affaire plutôt que l’alimenter en ouvrant malgré lui, un feuilletonnage médiatique.

Lors de cette conférence de presse, Carlos Ghosn doit se montrer capable de réagir et d’esquisser une contre-attaque efficace. Le Pire serait que le doute plane sur chacun de ses propos.

Carlos Ghosn doit éviter d’être soupçonné de mentir et sa défense doit apparaitre cohérente et transparente.

Je le vois au quotidien comme communicant de crise. Les innocents sont souvent de piètres avocats de leur cause. La société du spectacle dans laquelle nous vivons, offre toujours une prime à l’expérience. La communication de crise est un art. Le risque d’une telle conférence de presse, en pleine crise, c’est toujours l’enlisement et la fragilité des arguments dévoilés par la défense.

L’exigence de l’instantanéisation de la diffusion de l’information conduit au fact checking permanent. Nombre des justifications avancées par La Défense pour surmonter les attaques peuvent être démenties ou mises en doute par des données concrètes révélées peu après par les médias d’investigation, l’obligeant à de nouvelles mises au point alimentant la spirale vicieuse du feuilletonnage de laquelle on ne sort jamais indemne.

En savoir plus sur la gestion de la communication de crise de Carlos Ghosn :

Florian Silnicki

 

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