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Porter le fer

Lors d’une attaque, la stratégie gagnante peut consister à prendre clairement position. Rien ne sert d’afficher sa frustration d’être attaqué ni de discréditer ceux qui vous dénigrent. Il faut expliquer, en toute transparence et avec empathie, pourquoi ces insinuations sont ineptes. La réponse doit être rapide, simple, brève. Les communiqués de presse de trois pages, que même les journalistes ne liront pas, n’auront guère d’impact. Chercher à noyer le poisson ne calmera pas les trolls. À l’émotion, il faut répondre de manière claire et directe, user de raison mais sans négliger l’empathie. Le principal enjeu du communicant de crise est là : montrer que toutes les paroles ne se valent pas, faire valoir la différence entre un expert et un commentateur improvisé.

C’est sans doute sur TikTok que la communication a été la plus délicate ces derniers temps. Ce réseau repose sur du “snack content” de 15 secondes. Impossible dans ce format de publier une information solide, complexe, avec pédagogie. Il ne peut servir que pour poser une information. Mais son public lui aussi passe facilement à autre chose.

Toute marque, un jour ou l’autre, sera victime d’une attaque réputationnelle susceptible d’abîmer durablement son image de marque et sa valorisation. Je leur conseille avant tout de respirer un grand coup et de laisser passer la première rafale, en se rappelant leur raison d’être. Ce qui apparaît comme une « forte » mobilisation sur les réseaux peut n’avoir aucune assise physique. N’importe quel adversaire malveillant ou concurrent envieux peut organiser à peu de frais une campagne d’influence déstabilisante. Le nombre de tweets ne doit plus systématiquement inquiéter. Les médias sérieux ont finalement compris qu’il ne fallait pas donner trop de crédit à ces mouvements artificiels, après des années de grossières erreurs d’appréciation à scruter les TT pour en faire des articles. Sans les médias traditionnels, bien des bad buzz restent sur Twitter et s’éteignent d’eux-mêmes. Pour autant, les marques doivent veiller au grain, car les réseaux sociaux participent de la construction de l’opinion publique. Il leur faut mesurer constamment la réalité d’une rumeur et son impact, y compris sur les comportements d’achats.

– Répondre à chacun –

La vitesse de circulation de l’information sur les réseaux profite autant aux attaquants qu’à leur cible, dont le contre-narratif peut se propager aussi vite que les critiques. Un récit de réponse ne remplace pas, cependant, la réponse concrète aux plaintes de leurs clients. En cas de difficulté sur un produit ou un service, les marques font souvent face à une multiplication de sollicitations individuelles sur les réseaux sociaux. Chacun y demande publiquement réparation sur son cas, ce qui accroît la crise réputationnelle. Comme dans une crise médiatique où chaque journaliste doit être « traité » au cas par cas, il est indispensable de répondre à chaque client mécontent. Une réponse générique est contre-productive. Lorsque que le compte Twitter d’un SAV client ou d’une marque comme Air France débite 300 fois par minute « Nous sommes désolés de ce qui vous est arrivé », elle reflète l’inverse de l’expérience client qu’elle promet. Lorsqu’elle affirme mécaniquement « Nous allons revenir vers vous » sans demander, par exemple, le numéro de vol incriminé, c’est révéler qu’elle ne s’intéresse pas sincèrement au problème de son client et qu’elle ne cherche qu’à gagner du temps. C’est ajouter de la crise à la crise.

Pire, de grandes entreprises ont eu, ces dernières années, la mauvaise habitude d’externaliser la gestion de leurs réseaux sociaux pour les confier à des prestataires extérieurs, censés les manier plus savamment. Elles ne peuvent plus repérer elles-mêmes les signaux faibles, les polémiques naissantes, les amorces de crise. En outre, ces prestataires se bornent souvent à faire remonter au service client les dossiers les plus polémiques, ou ceux des personnalités. Le client ordinaire, qui croit naïvement parler à la marque, ignore qu’il n’a aucune chance que la marque s’intéresse à son cas pour lui proposer une solution personnalisée. La promesse d’interaction des réseaux sociaux ne génèrera que de la déception.

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