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Nekologie

« Don’t f*ck with cats ! » (« Ne plaisantez pas avec les chats ! »), avertit un célèbre documentaire Netflix. Rien d’étonnant si un simple félin, malheureuse victime d’un accident évitable, peut nous enseigner l’art de transformer un désastre médiatique en atout. Un chat judoka.

Le 2 janvier 2023, gare Montparnasse, une mère et sa fille de 15 ans laissent leur chat, Neko, par inadvertance, s’échapper de sa sacoche, juste avant le départ de leur train. Malgré leurs appels frénétiques, Neko, caché sous les wagons, reste introuvable ; et impossible de joindre le conducteur. Pour la SNCF, pas question de bloquer toute la circulation ferroviaire pour un chat. Impuissantes, Georgia et Melaïna voient Neko se faufiler sous les roues, alors que leur TGV démarre lentement. Pratiquement sous leurs yeux, l’animal meurt écrasé.

La compagnie a certainement sous-estimé l’émoi que va susciter l’affaire, en pleine montée du militantisme en faveur du bien-être animal. La mort du chat déchaîne un « bad buzz » durable. La SNCF se pense pourtant irréprochable en ayant donné la priorité aux passagers qui patientaient dans ses wagons. N’est-ce pas sa mission que de les conduire à bon port ? Sans parler du possible dédommagement de 600 personnes pour un retard supérieur à 30 minutes… Mais la fondation 30 Millions d’amis porte plainte pour « sévices graves et actes de cruauté ayant entraîné la mort d’un animal ». Plus mauvais point encore : dans Le Parisien, la jeune propriétaire du chat témoigne de sa peine avec un récit glaçant. « On l’a vu en train de courir en dessous du train, c’est la dernière fois que je l’ai vu en vie, il m’a regardé dans les yeux car il a dû m’entendre, il a continué à courir puis c’était fini », raconte Melaïna qui précise, détail affreux, que son chat a été coupé en deux. Elle accuse les agents de la SNCF appelés à la rescousse de lui avoir répondu que « ce n’était pas leur problème ».

Traînée en justice, l’entreprise ne comparaît finalement que pour « atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité d’un animal domestique ». Six mois plus tard, peu avant le verdict, un chat s’échappe de nouveau sous un train. La mésaventure se passe cette fois-ci gare de Lyon, où l’animal s’est réfugié sous un TGV en partance pour Nice. Échaudée, la SNCF change son fusil d’épaule et coupe l’électricité des voies pour permettre à ses agents d’aller chercher le félin. Il est sauvé, mais le train part avec une heure de retard. Peu après, le verdict tombe : la compagnie est condamnée à 1 000 euros d’amende pour « négligence » et pour ne pas avoir déployé les « moyens humains nécessaires pour récupérer le chat ». Cette jurisprudence Neko, assortie d’une condamnation symbolique, relance la polémique.

La SNCF va-t-elle faire profil bas ? Au contraire. Bravant les potentielles critiques, elle décide de contre-attaquer. Après avoir longtemps hésité, elle décide, juste avant l’expiration du délai légal, de faire appel de sa condamnation et le fait savoir. Pour elle, ses agents ont réagi correctement. Elle explique faire appel pour les « défendre ». Elle craint en réalité que cette condamnation pour négligence ne fasse jurisprudence et aboutisse à multiplier des retards ingérables. Plutôt que de s’excuser, la SNCF adopte une autre ligne de défense, celle de la protection de ses agents. Eux aussi y ont droit. Et le public, composé aussi d’usagers du train, semble réceptif. Certains peuvent prendre leur parti. La SNCF joue donc sur les deux tableaux. D’une part, elle change de méthode et cherche à sauver les animaux égarés sous ses trains. D’autre part, en constatant l’inutilité des excuses, elle ose modifier son attitude en optant pour des arguments offensifs, propres à rallier une partie de l’opinion.

L’histoire de Neko illustre le sujet déjà abordé sur ce blog : comment gérer les échecs de communication après une erreur. Car il arrive que les stratégies employées, sur le fond comme sur la forme, échouent à tirer l’entreprise de l’ornière où elle s’est enfoncée. Dans ces circonstances, la seule solution passe par des opérations radicales de nettoyage et de « reset ». Il faut tout remettre à zéro pour redémarrer sur de meilleures bases.

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