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La guerre de l’information

Dernier exemple des nouvelles crises qui nous attendent : les outils de plus en plus sophistiqués de désinformation, les intelligences artificielles génératives d’images, comme Midjourney et Dall-E, ainsi que les nouvelles fonctionnalités de logiciels comme Photoshop.

Tous permettent des fabrications d’images et de vidéos si performantes que nul ne peut plus déterminer ce qui est réel et ce qui ne l’est pas ; on se souvient du Pape en doudoune et d’Emmanuel Macron sur une montagne d’ordures.

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Cela pose la question de la nécessité d’outils de détection, encore imparfaits. Les pouvoirs publics semblent dépassés par ces nouveaux outils, qui jettent le soupçon du « deepfake » sur toutes les prises de parole publiques. Ils menacent aussi la crédibilité des médias : les IA peuvent en quelques instants créer des imitations des sites des plus grands journaux. Jusqu’ici, ces faux étaient identifiables ; mais les clones créés par IA peuvent être indétectables.

Conseillers en communication et médias devront devenir de plus en plus performants pour lutter contre cette menace informationnelle, qui a pris le relais de la menace réputationnelle. Les techniques de fact checking doivent se perfectionner. Dans cet océan de mensonges, ce qui surnage et prend d’autant plus de valeur sont les sources certifiées et vérifiées.

Quelques exemples des dangers qui nous guettent ? Un communiqué de presse de l’équipementier sportif Adidas, apparemment semblable à tous les autres, est envoyé aux médias internationaux. Il annonce que le groupe vient d’approuver le plan du nouveau patron de la marque pour donner la priorité au développement durable et au bien-être des salariés. Adidas s’apprêterait donc à signer l’accord Pay Your Workers pour mieux rémunérer les salariés du textile. Mieux, une syndicaliste cambodgienne est nommée no 2 ! Tout est faux, mais très bien imité. Et la fake news est immédiatement relayée par de grands médias. Adidas a beau publier très vite un démenti, la nouvelle fait le tour du monde. Deux activistes anticapitalistes, les Yes Men, sont à l’origine de ce qui est bien plus qu’un simple canular. Mais d’autres fake news sont bien plus nocives. Par exemple, ce soldat russe sur les réseaux sociaux qui tient un carton rempli de boîtes de conserve Bonduelle. On y voit une pseudo-carte de vœux : « Cher soldat, bonne année ! Nous vous souhaitons le meilleur et une victoire rapide ! » Bonduelle, qui n’a pas quitté la Russie, dément aussitôt avoir livré des conserves à l’armée russe. Mais le germe du doute subsiste.

En 2019, une étude américaine évaluait à 78 milliards de dollars au total le coût de la désinformation économique dans le monde, en additionnant les effets sur la réputation des entreprises, les conséquences sur leurs ventes, la chute des cours en Bourse et les dépenses engagées pour lutter contre une attaque. « Grâce à l’intelligence artificielle, aux robots de génération automatique de contenus, les barrières à l’entrée d’ordre technologique sont extrêmement faibles », a relevé Raphaël Labbé, le cofondateur de Wiztrust, dans les colonnes de L’Express. Des sociétés de relations publiques spécialisées dans la désinformation se multiplient, des « Dark RP » qui utilisent des « usines à trolls » pour inventer de nouveaux narratifs, divulgués sous la plume de faux experts, de faux comptes Facebook, Twitter ou Instagram, souligne une enquête du magazine.

Démasquer les commanditaires est ardu. Le cas le plus simple est celui des fausses rumeurs alimentées par des activistes qui « hackent » la communication corporate d’une entreprise pour promouvoir une cause. Comme le groupe The Fixers qui dénonce les opérations de « green washing ». Au Portugal, ils ont publié un faux communiqué de presse du groupe Gaz Petrol annonçant l’abandon de tous ses projets d’exploration gazière au Mozambique. Ils ont aussi annoncé que le fonds d’investissement Vanguard modifiait sa stratégie d’achats pour respecter l’accord de Paris sur le climat.

Mais les attaques peuvent venir aussi d’entreprises concurrentes. Un fabricant d’alarmes a été victime d’une fausse information sur les réseaux sociaux, indiquant que ses systèmes pouvaient être désactivés avec de simples brouilleurs. L’entreprise a mis du temps à réagir et ses ventes ont chuté. Pire, le mot « brouilleur » apparaissait dans Google dès que l’on tapait le nom de la société.

Autre pratique en vogue, des faux communiqués de presse destinés à manipuler les cours de la Bourse. La start-up américaine Lithium Corporation a vu son cours bondir de 250 % en une demi-heure après un faux communiqué de presse qui annonçait son rachat par Tesla. La fake news a été reprise sur Twitter par un connaisseur de Tesla… Si les faussaires ont acheté l’action juste avant, c’est un jackpot. En 2021, un faux communiqué de presse de Walmart indique que le distributeur américain accepte les paiements en bitcoin : aussitôt les cours de la cryptomonnaie s’envolent.

Comment repérer les faussaires ? Les entreprises et leur direction de la communication sont encore très naïves et peu aguerries face à ce type d’attaques. Quand elles ont identifié l’auteur d’une fausse information, certaines sont même prêtes à le payer pour qu’il la fasse disparaître. La suppression d’une fake news aurait d’ailleurs un prix de marché : 1 500 euros. Payer est toujours une très mauvaise idée car le chef d’entreprise entre dans un cercle infernal de chantage ; au risque d’apparaître, si l’affaire est rendue publique, pour celui qui avait quelque chose à cacher… 

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