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Le livre tsunami

Au chapitre des causes perdues, le cas d’Orpea est édifiant. Début 2022, le groupe d’établissements pour personnes âgées Orpea est au centre d’un livre choc, signé par le journaliste Victor Castanet, qui dénonce des maltraitances qui choquent l’opinion publique. Comment se relever d’un tel opprobre ? Son choix sera celui d’une vidéo qui porte les espoirs de l’entreprise de tourner la page et de reconstruire sa réputation.

Ce film se dévoile dans un contexte où la confiance des actionnaires et des créanciers semble progressivement rétablie, après un plan de sauvetage qui fait passer Orpea sous le contrôle du groupe public Caisse des dépôts, avec un rééchelonnement de sa lourde dette.

Avec cette vidéo, Orpea semble vouloir cocher toutes les cases de la communication de crise : reconnaître la situation et ses propres failles, tirer des leçons pour prévenir toute récidive de maltraitance des personnes âgées dépendantes dont elle a la charge, s’engager vers une amélioration et enfin, mettre en valeur ses progrès. Mais est-ce suffisant ?

À la scruter de plus près, la vidéo souffre de quelques faux pas, à commencer par une volonté de parler à la fois à ses collaborateurs et à ses clients, ce qui dilue son message. Surtout, la crise est reléguée au rang d’accident regrettable. La terminologie utilisée pour décrire ces « événements graves » peut laisser perplexes les familles des victimes qui pourraient voir ici une tentative de minimisation des erreurs passées.

Si le film invoque les « valeurs » d’Orpea, qui semble se voir devenir « une entreprise à mission », il échoue à donner des indications claires sur les changements concrets que l’entreprise compte mettre en œuvre. L’accent est mis sur les valeurs plutôt que sur des objectifs tangibles, concrets et mesurables : de quoi instiller le doute. Le plus grand défaut du film est peut-être ce manque de précision sur la manière dont le changement va être effectué. Les intentions sont mises en avant, mais qu’en est-il des actions concrètes ? C’est ici que le bât blesse. Les promesses restent générales, laissant le public en attente de détails et de garanties tangibles.

Il est compréhensible que l’entreprise ne veuille pas trop s’engager pour ne pas risquer d’être prise en défaut à l’avenir, parce que le projet de reconstruction est nécessairement encore en cours d’élaboration. Cependant, ce manque de précision laisse les parties prenantes sur leur faim. La vidéo d’Orpea marque un pas vers la résolution de la crise, mais un pas hésitant. Une communication plus précise, transparente et ciblée aurait peut-être été plus efficace pour rassurer les différentes parties prenantes et amorcer véritablement la résurrection de l’entreprise.

C’est une vérité incontournable de la communication de crise : pour regagner la confiance, il faut aller au-delà des belles paroles. Orpea a suivi une partie de ce chemin en reconnaissant ses erreurs passées. Mais il lui faut s’engager plus explicitement, énoncer des objectifs concrets et définir des mesures précises. Ce n’est qu’à cette condition que l’entreprise pourra véritablement tourner la page et se projeter sereinement dans l’avenir.

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