La communication de crise est un Art difficile.
AllÎ LaFrenchCom ? Je fais face à une crise, je dois répondre en urgence par une communication adaptée ? Comment faire pour bien répondre aux journalistes ? Puis-je protéger mon image dans les médias ? Comment sauver ma réputation sur les réseaux sociaux ?
Face aux crises, la rapidité peut jouer des mauvais tours
Il y a quelques mois, je reçois un appel, dâune cliente, PDG dâune entreprise miniĂšre et mĂ©tallurgique française prĂ©sente sur cinq continents et dans 20 pays. Elle dirige au quotidien prĂšs de 13 000 collaborateurs. Son Groupe est lâun des principaux producteurs mondiaux de mĂ©taux dâalliages, notamment le nickel et le manganĂšse, utilisĂ©s pour amĂ©liorer les propriĂ©tĂ©s des aciers, dâalliages et aciers spĂ©ciaux Ă hautes performances utilisĂ©s par des industries telles que lâaĂ©ronautique, la production dâĂ©nergie et les outillages.
Cette femme bienveillante, dynamique, brillante et attachante dirige avec talent ce groupe cotĂ©, groupe qui pĂšse prĂšs de 4 milliards de chiffre dâaffaires.
Elle mâappelle inquiĂšte pour lâimage de son groupe car un contenu malveillant la mettant en cause « a Ă©tĂ© retweetĂ© et commentĂ© des milliers de fois. » par des internautes.
Un activiste et rĂ©alisateur de documentaires sâĂ©tait intĂ©ressĂ© Ă lâentreprise miniĂšre dirigĂ©e par ma cliente. Fort de centaines de milliers de followers sur Twitter, avait mentionnĂ© dans une sĂ©rie de tweets un incident qui sâĂ©tait rĂ©cemment produit dans une mine en Afrique.
Les entreprises miniĂšres emploient souvent des « bassins de rĂ©sidus » pour stocker les dĂ©chets toxiques accumulĂ©s au cours du processus dâextraction. Dans le cas dĂ©noncĂ©, les parois du bassin de rĂ©sidus sâĂ©taient fissurĂ©es.
Lâincident avait fait suite Ă des pluies torrentielles qui avaient durĂ© trois jours, et que les mĂ©tĂ©orologues avaient qualifiĂ©es dâ« orage terrible  ». Lâorage avait Ă©tĂ© suivi dâun faible tremblement de terre qui, couplĂ© Ă la forte pression des eaux, avait provoquĂ© des fissures dans les parois du bassin. Câest la conjonction de ces deux actes de force majeure qui avait causĂ© lâincident.
Le bassin mesurait plus de 3,2 km2. Lorsquâil sâĂ©tait fissurĂ©, des millions de litres de dĂ©chets sâĂ©taient dĂ©versĂ©s dans une riviĂšre se jetant dans un lac Ă proximitĂ©.
Des Ă©quipes de nettoyage Ă©taient immĂ©diatement passĂ©es Ă lâaction, sous la supervision des agences de protection de lâenvironnement et du gouvernement rĂ©gional.
La situation Ă©tait grave, mais nâĂ©tait pas considĂ©rĂ©e par les experts du secteur comme une « crise ». Pour eux, câĂ©tait un incident industriel. Mais pour les mĂ©dias et le grand public, la situation Ă©tait en train de devenir une crise. Elle nâavait pas encore Ă©tĂ© beaucoup mentionnĂ©e par les mĂ©dias. En fait, les mĂ©dias nâavaient commencĂ© Ă en parler que deux semaines aprĂšs. Seules les radios locales avaient Ă©voquĂ© lâincident Ă ce stade. Lâentreprise avait alors rĂ©pondu « sans commentaire ».
En communication de crise, « Pas de commentaire » est un commentaire
Quand lâincident sâĂ©tait produit, ma cliente nâavait pas exigĂ© dâĂȘtre briefĂ©. Elle avait considĂ©rĂ© quâil valait mieux laisser lâĂ©quipe chargĂ©e des opĂ©rations de nettoyage faire son travail. Elle n’avait pris la mesure du problĂšme que quelques jours aprĂšs. Mais mĂȘme alors, alors quâelle connaissait bien le secteur minier, elle nâavait pas compris grand-chose lors de son briefing.
La zone de lâincident se trouvait dans le nord de lâAfrique, oĂč les riverains connaissaient les risques liĂ©s Ă lâexploitation miniĂšre. Ils se montraient gĂ©nĂ©ralement solidaires parce que lâentreprise employait prĂšs dâun millier de personnes dans la rĂ©gion, quâelle sponsorisait des Ă©quipes sportives locales et avait mĂȘme construit un tout nouveau centre culturel. La sociĂ©tĂ© Ă©tait donc gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©e sous un bon Ćil.
Lâentreprise nâavait pas fait de dĂ©claration publique, mais elle avait notifiĂ© les agences gouvernementales concernĂ©es, avait initiĂ© les opĂ©rations de nettoyage, et sâapprĂȘtait Ă demander lâautorisation de redĂ©marrer ses activitĂ©s. Câest la procĂ©dure en place pour tous les sites miniers, partout dans le monde. Les autoritĂ©s rĂšglementaires nâavaient pas non plus communiquĂ© sur la situation parce quâelles Ă©taient en train de faire une enquĂȘte. Il nây avait pas eu de blessĂ©s, et lâincident sâĂ©tait produit trĂšs loin de toute zone habitĂ©e. Lâincident avait Ă©tĂ© signalĂ© quelque part sur une page peu consultĂ©e dâun site Web. Lâaffaire Ă©tait close.
JusquâĂ ce que cet activiste digital en apprenne lâexistence et en parle Ă ses millions dâamis sur twitter, facebook, instagram, snapchat et tiktok …
Comment bien communiquer pendant une crise face au pouvoir des activistes-célébrités ?
Lâactiviste en question avait commencĂ© par un tweet court et factuel, qui soulevait quelques questions sur le caractĂšre durable de lâindustrie miniĂšre. Ces commentaires Ă©taient justifiĂ©s.
Le tweet qui avait suscitĂ© le plus de rĂ©actions soulignait que lâincident sâĂ©tait produit plusieurs semaines auparavant et nâavait pas Ă©tĂ© divulguĂ©. Ma cliente pensait que cela laissait entendre que son entreprise voulait Ă©touffer lâaffaire et en rĂ©alitĂ©, ce nâĂ©tait pas complĂštement faux. Elle espĂ©rait que les choses en resteraient lĂ . Mais cela nâa pas Ă©tĂ© le cas.
Influente, la Directrice de la communication qui est aussi la Directrice du dĂ©veloppement durable de lâentreprise avait recommandĂ© de ne rien faire. Les principaux mĂ©dias nâavaient pas mentionnĂ© lâincident, donc ce ne serait quâun pĂ©tard mouillĂ©, selon elle. La compagnie a donc fait comme si de rien nâĂ©tait.
Le jour suivant, ma cliente Ă©tait en rĂ©union avec le comitĂ© exĂ©cutif pendant toute lâaprĂšs-midi. En sortant, elle alluma son portable, et ce fut le dĂ©luge de sollicitations. Des e-mails Ă la pelle. Des textos envahissants la mĂ©moire du tĂ©lĂ©phone. Des notifications des rĂ©seaux sociaux qui n’en finissent plus. Par milliers. Elle nâavait jamais Ă©tĂ© confrontĂ©e Ă une telle situation. CâĂ©tait une vĂ©ritable guerre. Certaines rĂ©actions Ă©taient trĂšs agressives : des gens demandaient quâelle soit envoyĂ©e en prison, dâautres souhaitaient sa mort et certains appelaient Ă lâenvahissement de son siĂšge social pour le plus grand plaisir du Directeur de la SĂ©curitĂ© et de la SĂ»retĂ© du Groupe. La violence des rĂ©actions Ă©tait dâautant plus terrible que le grand public ne disposait pas de toutes les informations. Quâest-ce qui pouvait expliquer un tel dĂ©chainement de haine ?
Elle dĂ©couvrit alors que les grands mĂ©dias sâintĂ©ressaient Ă la situation aprĂšs avoir vu lâampleur de la rĂ©action gĂ©nĂ©rĂ©e sur les rĂ©seaux sociaux. Il y avait des commentaires de groupes de dĂ©fense de lâenvironnement, dâactivistes, de femmes et dâhommes politiques et mĂȘme de diverses cĂ©lĂ©britĂ©s.
Des milliers de comptes anonymes (poussĂ©s par des concurrents bien intentionnĂ©s ^^) laissaient entendre que des gens avaient pĂ©ri et que des animaux avaient Ă©tĂ© retrouvĂ©s morts. Dâautres encore affirmaient que lâentreprise avait ignorĂ© les conseils de ses ingĂ©nieurs et que le bassin avait Ă©tĂ© construit au mĂ©pris des rĂšgles en la matiĂšre. Certains dĂ©claraient que lâagence de protection de lâenvironnement Ă©tait en train de faire fermer la mine. CâĂ©tait ridicule, rien de cela nâĂ©tait vrai. Cependant, les journalistes retweetaient les accusations, ce qui leur donnait une apparence de crĂ©dibilitĂ©.
La page WikipĂ©dia de la sociĂ©tĂ© Ă©tait submergĂ©e dâinformations manifestement erronĂ©es, de spĂ©culations hasardeuses et dâinterprĂ©tations alimentĂ©es par des peurs collectives et des fantasmes.
Des avis négatifs étaient laissés en nombre sur les différentes fiches Google Business des implantations de la société.
Les mĂ©dias traditionnels couvraient leurs arriĂšres en dĂ©clarant quâils Ă©taient en train de se renseigner. Puis, ils ajoutaient que lâentreprise nâavait pas fait de commentaire. Les accusations les plus abracadabrantes se multipliaient et grossissaient de plus en plus. Des journalistes appelaient pour obtenir des rĂ©actions.
Puis, les choses ont encore empirĂ©. Les mĂ©dias ont assurĂ© que des hommes politiques avaient demandĂ© que ma cliente soit suspendue le temps quâune enquĂȘte pĂ©nale soit diligentĂ©e. Tout cela sâĂ©tait produit au cours des quatre heures quâelle avait passĂ©es en rĂ©union. Elle ne savait pas quoi faire. TrĂšs clairement, sa Directrice de la communication et du DĂ©veloppement Durable sâĂ©tait lourdement trompĂ©e quand elle avait assurĂ© que rien ne se produirait et que lâanecdote ne serait pas reprise par les principaux mĂ©dias.
Comment pouvaient-ils dire des choses aussi fausses ? Comment empĂȘcher les gens de colporter de fausses rumeurs ? Pouvait-on engager des poursuites ? Sous lâeffet de la panique, toutes ces questions dĂ©filaient Ă un rythme vertigineux dans lâesprit de ma cliente. Elle se sentait impuissant face Ă cette situation inĂ©dite.
Un faux sentiment de sécurité
Ma cliente me raconta tout cela avant dâajouter :
« Ăcoute, Florian , la derniĂšre fois quâon sâest parlĂ©s, quand jâai mentionnĂ© notre nouveau plan de communication de crise, je me suis bien rendu compte quâil y avait quelque chose qui clochait. Tu veux bien me dire quoi ? »
Je vis alors mon associĂ© remuer nerveusement sur son siĂšge. Il ne voulait pas blesser la cliente, mais la question Ă©tait directe, il nâĂ©tait pas possible de sây dĂ©rober.
Un plan classique de gestion de crise aurait pu fonctionner il y a une dizaine dâannĂ©es, mais la donne a changĂ©.
Les nouvelles (surtout les mauvaises ^^) se répandent vite, le public veut des réponses immédiates.
Ma cliente mâexpliqua quâelle considĂ©rait dĂ©sormais quâil valait mieux totalement externaliser la gestion de crise pour son groupe Ă une agence comme la nĂŽtre. Faire appel de maniĂšre plus rĂ©guliĂšre Ă des experts en communication de crise Ă©tait pour elle un moyen de se protĂ©ger face Ă genre dâĂ©pisodes sensibles dans sa communication susceptible dâabĂźmer durablement lâimage de son groupe et la valorisation de son titre. « Un communicant de crise maitrise la communication de crise dans le contexte actuel bien mieux que nous ne pourrions le faire. »
Elle ajouta « Initialement, je voulais recruter des conseillers en gestion de crise Ă Paris. Ils promettent de dĂ©velopper des plans de gestion de crise adaptĂ©s Ă chaque entreprise, mais quand on compare au hasard des parties de ces diffĂ©rents plans de gestion de crise, ils se ressemblent tous plus ou moins. Je nâavais pas envie de payer des sommes colossales pour avoir la mĂȘme paperasse que tout le monde. On voulait des gens qui puissent garantir des rĂ©sultats, pas juste Ă©crire des procĂ©dures. Câest aussi trĂšs utile dâavoir un point de vue extĂ©rieur…un Ćil neuf. »
Ma cliente Ă©tait en train de rĂ©aliser lâĂ©tendue de son erreur et le choc Ă©tait brutal. En dĂ©pit dâun fort investissement en temps et en argent, ses plans de communication de crise ne lui servaient strictement Ă rien. Ils ne comportaient pas de rubrique dĂ©diĂ©e aux « activistes-cĂ©lĂ©britĂ©s » et il nâavait pas la moindre idĂ©e de ce quâil devait faire. Elle espĂ©rait que nous pourrions immĂ©diatement lui prodiguer quelques conseils pour lui sauver la mise.
Elle est allĂ©e Ă la rencontre de son Conseil dâadministration « leur parler immĂ©diatement de cette campagne de sabotage mĂ©diatique. » Cela fait 40 ans que certains membres travaillaient dans le secteur minier. Elle ne voulait pas perdre de temps surtout. Si la situation empire, il fallait impĂ©rativement avoir lâappui du comitĂ© exĂ©cutif.
Bien lui en prit car il sâavĂ©ra bientĂŽt que les problĂšmes de lâentreprise ne faisaient que commencerâŠ
Comment se préparer au pire pour avoir une bonne communication de crise ?
Connaissez-vous quelquâun qui a traversĂ© une situation comme celle vĂ©cue par ma cliente ? Ou peut-ĂȘtre cela vous est-il arrivĂ© ? On a lâimpression de se noyer. Ou dâĂȘtre attaquĂ© par un essaim de frelons. Si vous nây ĂȘtes pas prĂ©parĂ©, cela peut vous ĂȘtre fatal.
Ce que ma cliente affronte dans cette histoire correspond fidĂšlement Ă la rĂ©alitĂ©, et malheureusement cela se produit tous les jours. La rapiditĂ© de lâemballement mĂ©diatique et numĂ©rique est inconcevable si on nây a pas dĂ©jĂ Ă©tĂ© confrontĂ©. Câest un vĂ©ritable cyclone, doublĂ© dâune mentalitĂ© de chasse aux sorciĂšres. La vĂ©ritĂ© et la mise en contexte ne sont dâaucun poids quand les Ă©motions et les jugements moraux prennent le pouvoir.
« Pas de commentaire » nâest donc pas une option acceptable. Si vous ne prĂ©sentez pas votre version des faits, câest une autre version qui sâimposera. Pour les mĂ©dias et le grand public, « pas de commentaire » est un aveu de culpabilitĂ©. Les journalistes sont soumis Ă une concurrence fĂ©roce, Ă la pression des dĂ©lais de bouclage et Ă lâobsession dâobtenir des rĂ©vĂ©lations. En refusant de vous soumettre Ă leurs impĂ©ratifs, et donc en ne coopĂ©rant pas avec eux, vous risquez de vous les mettre Ă dos et ils iront chercher ce dont ils ont besoin ailleurs.
Il y a quelques Ă©lĂ©ments Ă avoir en tĂȘte quand une crise Ă©clate. Je les Ă©voque toute lâannĂ©e avec mes Ă©tudiants ou lors de mes confĂ©rences sur la communication de crise et la gestion de crise mais je souhaitais vous les partager sur ce blog.
1. Pour les mĂ©dias, lâimportant est dâĂȘtre les premiers, pas de dire la vĂ©ritĂ© exhaustive dâune situation.
RĂ©cemment, il y a eu une explosion dans un bĂątiment vide appartenant Ă un de nos clients. Quelquâun a pris une photo et lâa diffusĂ©e sur Twitter. La photo a Ă©tĂ© reprise par les mĂ©dias rĂ©gionaux, puis par les mĂ©dias nationaux. Tout cela en 30 minutes. Il y a dix ans, lâentreprise aurait disposĂ© de quelques heures pour prĂ©parer sa rĂ©ponse. Mais ce nâest plus le cas.
Les mĂ©dias nâont mĂȘme pas appelĂ© lâentreprise pour vĂ©rifier ce quâil sâĂ©tait passĂ©. Les rĂ©seaux sociaux se sont dĂ©chainĂ©s. La photo donnait lâimpression que la situation Ă©tait bien pire quâelle ne lâĂ©tait en rĂ©alitĂ©, parce que le photographe avait utilisĂ© un filtre qui avait dramatisĂ© lâaspect de lâincendie et rappelait les films catastrophes.
En lâespace dâune heure, lâentreprise avait rĂ©tabli la vĂ©ritĂ©, diffusĂ© une photo non truquĂ©e et annoncĂ© quâil nây avait eu aucune victime. Nous avons rĂ©ussi Ă dĂ©montrer aux mĂ©dias quâon les avait manipulĂ©s et ils ont acceptĂ© de publier un dĂ©menti. Mais tout le monde nâa pas vu ce correctif. Les dĂ©gĂąts Ă©taient faits.
2. Dites-leur quelque chose.
MĂȘme si vous ne pouvez prendre le contrĂŽle de la situation, Ă©vitez de rĂ©pondre « sans commentaire ». Autant crier sur tous les toits : « je suis coupable ! ».
Inutile de diffuser des informations confidentielles, ou dâinventer des choses. Il y a des approches adaptĂ©es pour dire quelques mots sans pour autant sâexposer.
Par exemple, dans le cas de ma cliente, quand les mĂ©dias lâont appelĂ©, elle aurait pu dĂ©clarer :
« Une fissure est effectivement apparue dans un bassin de rĂ©sidus aprĂšs des pluies torrentielles, puis un tremblement de terre. Les responsables au sein des agences rĂšglementaires ont Ă©tĂ© immĂ©diatement informĂ©s et ils sont actuellement sur les lieux pour assurer le suivi des opĂ©rations de nettoyage. Nous leur apportons toute lâaide possible. La situation est stabilisĂ©e et nos employĂ©s ont dĂ©jĂ pu reprendre le travail. Notre prioritĂ© est maintenant dâĂ©valuer lâimpact de cet incident et de sâassurer quâil ne se reproduise pas. Pour lâinstant, nous ne pouvons rien dire de plus. Nous tiendrons le public informĂ© dĂšs que nous aurons plus dâinformations. »
Câest une dĂ©claration factuelle. Elle ne dit rien dâextraordinaire, mais elle Ă©vite un « pas de commentaire » lourd de consĂ©quences et garantit que votre version des faits sera prise en compte par les mĂ©dias.
Pour que votre rĂ©putation sâen relĂšve et que vous gardiez votre poste, vous devez couper lâherbe sous le pied Ă vos dĂ©tracteurs, avec une rĂ©ponse rapide. Maitrisez la version qui est donnĂ©e des faits.
Quâest-ce quâune rĂ©ponse rapide ? Ici, la rapiditĂ© se mesure en minutes, pas en heures. Si vous ne rĂ©agissez pas vite, les mĂ©dias et les rĂ©seaux sociaux combleront le vide Ă coup de rumeurs et de spĂ©culations. Ils sâinterrogeront aussi sur les raisons de votre silence ou vos hĂ©sitations.
Il nâest pas nĂ©cessaire dâavoir toutes les rĂ©ponses. Vous devez connaitre les principaux Ă©lĂ©ments. Il vous suffit de quelques phrases pour confirmer les faits essentiels et faire passer le message que vous contrĂŽlez la situation. Si quelque chose dâimportant sâest effectivement produit, les mĂ©dias le relaieront, que vous leur ayez parlĂ© ou non. Si vous ne rĂ©pondez pas Ă leurs demandes, câest la version de vos concurrents qui aura la part belle.
Ne diabolisez pas les mĂ©dias. Leur mission est dâinformer les gens des Ă©vĂšnements qui les touchent ou peuvent les concerner. Dans une situation de crise, il faut que vous soyez du cĂŽtĂ© de la solution – pas du problĂšme. ConsidĂ©rez plutĂŽt les mĂ©dias comme autant dâopportunitĂ©s de convaincre lâopinion publique. Passer par les principaux mĂ©dias est le moyen le plus facile et rapide de diffuser votre version auprĂšs du maximum de personnes. Et de plus, ce sont les grands mĂ©dias et les journalistes de renom qui ont le plus de followers sur les rĂ©seaux sociaux. On vous posera des questions difficiles ? Absolument, et câest Ă vous dây ĂȘtre prĂ©parĂ©.
Vous devriez avoir fait du mĂ©dia-training bien avant quâune crise Ă©clate. Dans nos sĂ©ances de mĂ©dia-training, nous prĂ©parons quelques scĂ©narios de crise et nous organisons des entretiens fictifs avec des journalistes. Nous soumettons alors nos clients Ă un feu serrĂ© de questions au cours de sĂ©ances se succĂ©dant Ă un rythme soutenu, si bien que si une rĂ©elle crise se produit, ils sont prĂȘts Ă y faire face.
3. Acceptez la réalité de la crise.
Une fois que la crise sera mentionnée dans les médias, la plupart des commentaires sur les réseaux sociaux vous concernant, vous et votre entreprise, seront méchants et souvent aussi incorrects. Il vous faut donc tout simplement accepter que la vie est injuste et que les gens sont méchants. Votre travail consiste à tenir compte de cette réalité.
Les mĂ©dias nâont jamais Ă©tĂ© aussi puissants quâaujourdâhui. Les rĂ©seaux sociaux attirent un nombreux auditoire et opĂšrent sans aucun respect des faits, de lâĂ©quitĂ© ou mĂȘme du principe dâimpartialitĂ© cher au journalisme.
De nos jours, vous ĂȘtes considĂ©rĂ© comme coupable tant que votre innocence nâa pas Ă©tĂ© Ă©tablie aux yeux du grand public. La sentence est lourde pour ceux que la vindicte populaire a dĂ©signĂ©s comme coupables.
Aujourdâhui, tout le monde se prend pour un journaliste. Tout le monde a des followers, auprĂšs de qui nous professons nos opinions. Et tout le monde ne rĂȘve que dâune chose : que sa publication ou son tweet fasse le tour du monde. Pour cela, plus un texte, une vidĂ©o ou une photo est sensationnaliste, mieux câest.
« Il faut beaucoup de bonnes actions pour construire une bonne réputation et une seule pour la perdre. »
Benjamin Franklin a Ă©crit ces lignes il y a 300 ans, quand les nouvelles se diffusaient lentement. Mais mĂȘme Ă cette Ă©poque-lĂ , les gens comprenaient la fragilitĂ© de la rĂ©putation et lâimportance de la protĂ©ger.
Ils ne soupçonnaient pas Ă quel point la communication allait Ă©voluer. De nos jours, dans notre sociĂ©tĂ© digne de George Orwell, une seule erreur – par exemple discuter dâune information confidentielle dans un lieu public – peut anĂ©antir une rĂ©putation, un mariage, ou une carriĂšre.
Il y a 10 ans, pour diffuser un Ă©vĂšnement en direct, il fallait un camion muni dâun satellite. CâĂ©tait le seul et unique moyen. Aujourdâhui, chacun dispose dâun outil dâenregistrement (les smartphones) et donc de la capacitĂ© de diffuser, instantanĂ©ment et partout dans le monde, ce quâil voit et entend. Avec Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat, YouTube, les blogs, etc., les « journalistes » peuvent ĂȘtre des enfants de six ans munis dâun simple iPad ou un octogĂ©naire armĂ© de son tĂ©lĂ©phone portable. Et une fois quâune personne partage ce quâelle voit ou entend, ses followers peuvent Ă nouveau partager ce contenu auprĂšs de leurs amis, et ainsi de suite. En somme, les rĂ©seaux sociaux fonctionnent comme une gigantesque machine Ă cafĂ© oĂč se retrouver pour colporter les ragots…
Et cette machine à café alimente les salles de rédaction et peut donc anéantir une entreprise.
4. Moins de journalistes qui produisent plus = plus dâerreurs.
Le phĂ©nomĂšne nouveau, qui bouscule la pratique du journalisme, câest les rĂ©seaux sociaux et leur impact sur les mĂ©dias traditionnels. Sur les rĂ©seaux sociaux, ĂȘtre le premier compte beaucoup plus que dire la vĂ©ritĂ©. Dans ce contexte, les journalistes doivent se battre pour trouver leur place. De plus, la baisse des revenus liĂ©s aux espaces publicitaires et aux abonnements amĂšne les groupes mĂ©diatiques Ă diminuer les effectifs, mais aussi Ă privilĂ©gier le sensationnalisme. Le nombre de journalistes professionnels aujourdâhui diminue fortement. Ce chiffre continue de baisser. La tendance est mondiale.
Non seulement le nombre de journalistes a baissĂ©, mais ceux qui ont rĂ©ussi Ă ne pas perdre leur travail doivent faire plus avec moins. Ils doivent rĂ©aliser plus de reportages tous les jours, ce qui implique de passer moins de temps Ă faire des recherches et recouper les sources. Ils doivent rĂ©diger des billets de blog et des publications sur les rĂ©seaux sociaux. Les journalistes de la presse Ă©crite doivent aussi souvent se charger des photos et vidĂ©os. Quand ils sont occupĂ©s Ă faire tout cela, ils ne peuvent pas se concentrer sur le journalisme proprement dit, qui consiste notamment Ă Ă©couter attentivement et Ă poser des questions incisives. Quâils le reconnaissent ou non, cela a un impact sur la qualitĂ© de leur travail. Ils font plus dâerreurs. Les journalistes ne sont pas satisfaits de cette situation, mais ils nâont pas le choix. Notre sociĂ©tĂ© aussi pĂątit de disposer de moins de journalistes professionnels, qui aient le temps de bien faire leur travail.
PrĂ©parez-vous pour la tempĂȘte imminente
Quelles sont les conséquences pour vous ? Vous devez communiquer rapidement, et clairement. Les gens normaux seront-ils en mesure de comprendre ce que vous dites, ou bien employez-vous un jargon ou des mots techniques ? Ne pensez pas que vous exprimer dans un langage clair revient à traiter les gens comme des idiots. Au bout du compte, cela permettra de préserver votre réputation.
Simplifiez autant que possible le travail du journaliste pour quâil retranscrive fidĂšlement votre version. Si vous participez Ă une interview, vous pouvez suivre votre entretien dâun e-mail rappelant les principaux points abordĂ©s. Assurez-vous de disposer des sources pour tous les faits mentionnĂ©s.
Malheureusement, la situation nâest pas prĂȘte de changer. De nombreux journalistes qui dĂ©butent dans la profession ont Ă©tĂ© influencĂ©s par la culture des cĂ©lĂ©britĂ©s et de lâinfodivertissement (infotainment). Ils veulent se faire connaitre grĂące aux rĂ©seaux sociaux, notamment Twitter, et ĂȘtre lâinvitĂ© dâhonneur dâun podcast Ă forte audience. Certains nâont aucune intention de passer des heures Ă compulser des documents officiels. De nombreux cursus de journalisme ont disparu ces derniĂšres annĂ©es. Cela fait suite Ă la diminution du nombre de journalistes aux niveaux rĂ©gional et local, qui sont gĂ©nĂ©ralement la porte dâentrĂ©e Ă la profession. Quand des cursus de journalisme ferment leurs portes, cela revient Ă dire que cette profession nâa aucun avenir, ce qui devrait alerter les leaders et principaux dĂ©cideurs.
En quoi cela vous concerne-t-il en tant que dirigeant ?
Ces jeunes journalistes façonnent lâopinion publique, et vous nây ĂȘtes pas prĂ©parĂ©. La vĂ©ritĂ© et le contexte des informations sont les victimes de cette course Ă lâaudimat. Vous pouvez trĂšs vite devenir la proie dans cette jungle. En effet, dans chaque reportage, il doit y avoir un gentil (ou une victime) et un mĂ©chant. Quand avez-vous vu ou lu un reportage oĂč une entreprise ou bien un PDG Ă©tait prĂ©sentĂ© comme le hĂ©ros ou la victime ? Les PDG sont en train de perdre la bataille de la rĂ©putation.
5. La dissimulation est souvent bien pire que la faute elle-mĂȘme.
Pensez aux violations de confidentialitĂ©. Elles se produisent si souvent que les gens en sont venus Ă accepter les risques de violation de leurs donnĂ©es comme inĂ©vitables sâils veulent bĂ©nĂ©ficier des avantages de la technologie. Pourtant, quand les entreprises sont victimes de violations de donnĂ©es, elles prĂ©fĂšrent ne rien dire. Au bout du compte, il se trouve toujours quelquâun pour sonner lâalerte, et la rĂ©putation de lâentreprise est alors durement touchĂ©e. Elle peut ĂȘtre anĂ©antie dâun coup, ou bien mourir Ă petit feu.
Prenons par exemple Google. Il y a eu une Ă©norme violation de donnĂ©es en 2018 et 500 000 comptes ont Ă©tĂ© accessibles Ă plus de 400 applications tierces. Mais ce nâest pas cela qui a fait enrager les gens. Câest le fait que Google nâa rien fait pendant les sept mois qui ont suivi la dĂ©couverte de la violation, jusquâĂ ce que le Wall Street Journal en rĂ©vĂšle lâexistence.
Prenons maintenant Apple. On a dĂ©couvert que lâentreprise avait crĂ©Ă© des mises Ă jour de logiciels qui ralentissaient les anciens iPhones, et forçaient les consommateurs Ă acheter de nouveaux modĂšles. CâĂ©tait une Ă©niĂšme boulette de la part dâApple, qui venait menacer la marque que Steve Jobs sâĂ©tait Ă©vertuĂ© Ă construire.
Facebook a aussi Ă©tĂ© trĂšs vivement critiquĂ©e aprĂšs avoir tentĂ© dâocculter le fait quâelle avait partagĂ© des dizaines de millions de profils Facebook avec le cabinet de conseil en communication politique Cambridge Analytica. Mark Zuckerberg a passĂ© un trĂšs mauvais quart dâheure face Ă la commission sĂ©natoriale.
Uber a aussi essuyĂ© son lot de critiques. La sociĂ©tĂ© a tentĂ© de dissimuler une violation de donnĂ©es, ce qui lui a coĂ»tĂ© 148 millions de $ de pĂ©nalitĂ©s. Uber nâĂ©tait pas responsable de la violation de donnĂ©es ; elle a Ă©tĂ© victime dâun piratage.
MĂȘme si vous ne mentez pas Ă proprement parler, quand vous essayez de cacher quelque chose ou que vous nâinformez pas qui de droit, vos actions sont perçues comme malhonnĂȘtes. Et, dans notre secteur, nous avons une philosophie. Elle est non nĂ©gociable : NE MENTEZ JAMAIS. Le mensonge est gĂ©nĂ©ralement pire que la faute, et votre carriĂšre, ainsi que la rĂ©putation de votre entreprise, ne sâen remettraient jamais.
6. Si vous devez vous dĂ©fendre, vous ĂȘtes en train de perdre.
Dans les faits, aux yeux de lâopinion publique, si vous vous dĂ©fendez face Ă des accusations, vous ĂȘtes en train de perdre. Câest comme ça. Se dĂ©fendre, câest ĂȘtre sur la dĂ©fensive.
Notre rĂšgle est simple : sâil y a une probabilitĂ© raisonnable quâun incident devienne public Ă un moment ou un autre, il vaut toujours mieux prendre les devants et donnez votre version des faits.
Comment procéder ?
Soyez prĂȘt. Prendre les devants ne vous Ă©vitera pas de passer un mauvais moment. Mais cela augmentera les chances de succĂšs. Soyez minutieusement prĂ©parĂ©. Vous devez connaitre par cĆur le message Ă faire passer, avoir parfaitement cernĂ© votre auditoire, savoir anticiper les questions difficiles et y rĂ©pondre, et ĂȘtre suffisamment prĂ©parĂ© pour ĂȘtre confiant face au public.
Le principal avantage est de donner le ton. Imaginons que vous ĂȘtes Ă la tĂȘte de Google. Essayons de remplacer la thĂšse selon laquelle Google a cachĂ© des faits importants par une autre version. Disons plutĂŽt que Google est la plus transparente des grosses entreprises (contrairement Ă Facebook et Uber), quâelle est lâune des sociĂ©tĂ©s de technologie les plus sĂ»res et quâelle investit des milliards chaque annĂ©e dans la recherche et le dĂ©veloppement en matiĂšre de protection de la confidentialitĂ© pour protĂ©ger les informations qui lui sont confiĂ©es. MĂȘme lorsque les pirates parviennent Ă dĂ©jouer les barriĂšres, Google rĂ©agit trĂšs vite et partage les informations avec les experts pour contribuer Ă renforcer les mesures de protection de vos donnĂ©es.
Choisir son moment. Autre avantage de la communication proactive : câest vous qui dĂ©terminez Ă quel moment lâaffaire est rendue publique, ce qui est un puissant atout stratĂ©gique. Vous pouvez par exemple communiquer le vendredi prĂ©cĂ©dant un week-end de trois jours et tirer parti du chaos et de lâinattention qui caractĂ©risent les week-ends prolongĂ©s.
Si vous prenez lâinitiative, vous faites en sorte que vos experts en communication et vos juristes travaillent conjointement sur les messages Ă diffuser, et ainsi quâils Ă©vitent au maximum que vous soyez poursuivis devant un tribunal ou condamnĂ©s par lâopinion publique.
Il faut parfois sâinfliger soi-mĂȘme une blessure grave pour Ă©viter la mort. Vous ne pouvez pas corriger ce quâil sâest passĂ©, mais vous pouvez contrĂŽler la maniĂšre dont vous ĂȘtes perçu – idĂ©alement comme honnĂȘte et transparent.
Soyez convaincant. Autant vous avertir : ces conseils risquent de ne pas ĂȘtre populaires. Votre conseil dâadministration, votre directoire, votre comitĂ© exĂ©cutif, certains responsables de votre comitĂ© de direction, voire votre Ă©quipe de direction juridique, pourront sây opposer, pour des raisons diffĂ©rentes.
Votre mission en tant que dirigeant est de les convaincre que si de toute façon lâaffaire risque dâĂȘtre rendue publique, il vaut mieux prendre les devants. Nâoubliez pas que câest votre rĂ©putation Ă vous qui est en jeu.
On vous pardonnera des erreurs – ça arrive Ă tout le monde. Mais on ne vous pardonnera pas dâavoir menti ou cachĂ© quelque chose. Cela pourrait mĂȘme remettre en question tout ce que vous aurez fait de bien avant. Câest une dĂ©cision lourde de consĂ©quences.
Dans notre exemple, ma cliente nâa pas choisi cette option, par ignorance plus que par arrogance ou volontĂ© de tromper, et elle commence Ă en payer le prix. Quand on Ă©tudie sa situation, on voit bien que ma cliente et son Ă©quipe auraient pu prendre les devants et communiquer leur version des faits, mais ils ne lâont pas fait. Ils ont mal analysĂ© la situation et se sont contentĂ©s dâespĂ©rer que le problĂšme disparaitrait de lui-mĂȘme.
Préparez-vous au pire et espérez le meilleur.