Communication de crise : bien travailler avec des avocats 👨‍⚖️

Je sais combien travailler avec des avocats peut être déprimant pour mes confrères et consœurs conseillers en communication de crise. Communicant de crise, je travaille pourtant efficacement, main dans la main, tous les jours avec des avocats au service de la représentation des intérêts médiatiques et digitaux de mes clients.

Alors, c’est vrai, trop souvent, les efforts des communicants pour prendre l’initiative auprès des médias et des autres parties prenantes sont réduits à néant par les conseils donnés par des avocats ou juristes aux cadres dirigeants (« Ne dites rien, ne prenez pas de risques, ne parlez pas ! »). Les avocats et les juristes qui donnent ce genre de conseils n’ont généralement aucune expertise ou expérience quant aux relations avec les médias.
Chez certaines entreprises, pas chez mes clients, les conseils des experts en communication sont généralement ignorés au profit des conseils de juristes et avocats.

On comprend bien le point de vue des avocats. Ils sont payés pour réduire les risques pour leurs clients. Puisque toutes les déclarations faites en public comportent un élément de risque – propos pris hors contextes, mal interprétés, mal compris, montés en épingle – il semble souvent préférable aux avocats, dont le rôle est donc de réduire les risques, de recommander aux PDG de garder le silence.
Ce n’est pas le rôle des avocats de protéger la réputation d’une entreprise, c’est le rôle des conseillers en communication.

EXPLIQUER L’IMPORTANCE DE LA COMMUNICATION AUX AVOCATS

Si les avocats recommandent de ne rien dire, n’hésitez jamais à discuter avec l’avocat le plus senior de l’équipe (qui travaille en interne ou est un consultant extérieur) pour le faire changer d’avis sur la stratégie de communication sous contrainte judiciaire adoptée dans votre affaire. Certains avocats comprennent tout de suite que le silence fait de vous un coupable médiatique. D’autres non.

Si cela ne marche pas, vous ne devez pas renoncer. Allez plaider votre cause directement auprès de votre patron. Celui-ci devra alors faire un choix difficile : prendre la parole afin de garder au moins en partie le contrôle de la couverture médiatique, ou se taire, ce qui semble l’option la plus dangereuse. Garder le silence c’est donner le sentiment d’avoir quelque chose à cacher…

LES AVOCATS SPÉCIALISÉS DANS LES MÉDIAS

Il peut être judicieux de faire appel à un avocat spécialisé dans les médias lors des phases de planification et préparation. Je le fais souvent avec Maitre Nicolas Bénoit du cabinet d’avocats Lussan ou Frédéric Lamoureux par exemple. Il peut exposer l’avantage de faire une déclaration d’un point de vue juridique ou règlementaire.

Ce type d’avocat sait parfaitement comment opèrent les médias et quels sont leurs critères pour couvrir une crise. Il sait comment réduire les risques d’image de ses clients et protéger la réputation d’une entreprise, tout en communiquant.

Idéalement, les équipes juridiques et de communication devraient toujours travailler main dans la main. Heureusement, c’est de plus en plus souvent le cas.

Le point de vue des 2 camps.

Communicant de crise, je suis un croisement improbable entre deux espèces qui se haïssent.
Depuis plus de 10 ans, j’assure la gestion de la réputation de clients aussi divers que des multinationales, des ONG, des organismes financiers, des politiciens, des célébrités, …

Mon expérience m’a amené à la conclusion suivante : le meilleur moyen de gérer une crise dans les médias est de s’allier les conseils d’un expert en communication de crise et d’un avocat qui comprenne comment sont prises les décisions éditoriales au sein des médias.

Une agence de communication bénéficie souvent d’une relation de longue date avec le client, et donc comprendra les principaux messages à faire passer, les aspects culturels, etc. L’avocat connaitra le cadre juridique que les médias doivent respecter. Le communicant de crise lie les deux mondes.

L’idéal stratégique, face à la crise, est de faire un usage équilibré de la carotte et du bâton.

Cet article est l’occasion pour moi de rendre un hommage appuyé à un personnage que j’admire. Il s’agit de Maitre Grégoire Lafarge dont le talent exceptionnel n’a eu de cesse de m’impressionner. Un accident de santé très grave l’a éloigné des prétoires. Son dévouement au service de ses clients, son humanisme, sa voix rocailleuse, son charisme imposant font de lui un être si attachant. C’est un grand monsieur que j’ai tant aimé professionnellement.

Florian Silnicki