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Les secrets et techniques de la communication de crise 🚨

En dix annĂ©es d’accompagnement en communication de crise, j’ai Ă  chaque fois vu chez mes clients qu’il vient un moment oĂą vous devez trancher : « C’est une crise (ou cela peut le devenir). Enclenchez la procĂ©dure de gestion de crise ». Cela va tout perturber : les gens vont devoir arrĂŞter de faire tout ce qu’ils faisaient pour accomplir ce qu’ils sont censĂ©s faire dans le cadre d’une gestion de crise et d’une communication de crise efficace.

Sur quels critères baser cette décision qui aboutira au déclenchement de la réunion de la cellule de crise ? Il est rare que des collègues nous informent qu’un évènement malheureux s’est produit. En effet, en général, les mauvaises nouvelles se diffusent très lentement dans la plupart des organisations. Comme nous l’avons vu dans le cas d’Oxfam, les mauvaises nouvelles sont parfois même délibérément occultées.

Généralement, vous serez informé d’une crise par une source extérieure, par un tweet ou un message sur un réseau social, par l’appel d’un journaliste, etc. Cela peut se produire à 2 heures du matin, ou le jour de Noël. Les crises ne respectent ni les vacances ni les week-ends.

C’est le PDG (ou son adjoint, s’il n’est pas joignable), qui doit annoncer que l’organisation est confrontée à une crise. Il y a alors deux priorités, en matière de communication : répondre et envoyer un signal à tous les employés (notamment ceux qui sont sur le terrain), en leur indiquant qu’à partir de là, ils doivent suivre les procédures de gestion de crise.

Concrètement, cela veut dire que personne ne dit rien aux personnes extérieures à l’organisation. Toutes les questions doivent être redirigées vers l’équipe de communication de crise.

L’objectif est de maitriser la communication. Cela ne fonctionne jamais complètement, mais cela aide.

FACE A LA CRISE, QUEL EST LE PLAN D’ACTION IDÉAL : QUI FAIT QUOI ?

Les membres de l’équipe de communication doivent tous savoir oĂą aller et quoi faire. L’alĂ©a est le pire handicap face Ă  une crise Ă  gĂ©rer. C’est prĂ©cisĂ©ment lĂ  que les simulations grandeur nature et les rĂ©pĂ©titions portent leur fruit. Elles permettent d’éviter que les membres de l’équipe vous regardent d’un air terrorisĂ©, comme des animaux paralysĂ©s par la lumière des phares d’une voiture. Et aussi d’éviter que vous soyez bombardĂ© d’e-mails et d’appels de collègues ne sachant pas ce qu’ils doivent faire.

Si votre organisation est dissĂ©minĂ©e sur plusieurs sites, que votre entreprise a plusieurs filiales, la crise se dĂ©roulera très probablement ailleurs qu’au siège. Vous devrez alors faire appel Ă  du personnel sur place – Ă  titre temporaire ou permanent. Ils devront avoir Ă©tĂ© formĂ©s. J’insiste toujours sur l’importance de faire appel Ă  une Ă©quipe locale. Les employĂ©s, riverains et leaders d’opinion au niveau local rĂ©gissent en effet mieux quand le premier communiquĂ© est fait par quelqu’un qu’ils connaissent.

Tous les membres de l’équipe de crise doivent avoir un remplaçant pour le cas où ils seraient absents ou injoignables, ou si la crise se prolonge. Y compris vous. Pensez aussi à vous organiser pour assurer une permanence sur 24 heures, ou si l’un d’entre vous a besoin de faire une pause.

Les personnes qui gèrent la crise elle-mĂŞme – c’est-Ă -dire qui travaillent avec les services d’urgence, etc. – doivent constituer une Ă©quipe sĂ©parĂ©e de l’équipe qui gère la communication avec les mĂ©dias et les parties prenantes.

La crise se produira peut-être au siège, mais c’est peu probable. Donc vous devez mettre en place une bonne communication entre le lieu de gestion de la crise proprement dite et la cellule de communication de crise.

Les PDG veulent souvent se charger de l’aspect opérationnel, mais ce n’est pas possible. Leur rôle est de jouer les porte-paroles auprès des médias. Donc un autre cadre dirigeant doit se charger de gérer la crise elle-même.

COMMUNICATION DE CRISE : QUELLES ÉQUIPES, LOCALISATIONS ET RESSOURCES ?

Votre Ă©quipe chargĂ©e de la communication de crise sera composĂ©e de votre Ă©quipe de communication habituelle. Mais celle-ci ne suffira gĂ©nĂ©ralement pas. Vous devrez donc temporairement faire appel Ă  des personnes supplĂ©mentaires, venant d’autres services support ou d’autres directions spĂ©cialisĂ©es, pour vous aider Ă  faire face pour le suivi, la rĂ©ponse aux demandes diverses, l’aide aux personnes touchĂ©es et leurs familles.

Ces personnes venant en renfort devront avoir Ă©tĂ© formĂ©es et briefĂ©es sur le sujet. Elles auront aussi besoin de locaux dĂ©diĂ©s – idĂ©alement, un espace suffisamment grand pour accueillir tous ceux qui seront chargĂ©s de la gestion de la communication de crise. La plupart des organisations utilisent la salle de rĂ©union du comitĂ© de direction.

COMMUNICATION DE CRISE : COMMENT BIEN PRÉPARER SON ÉQUIPE ?

Une crise est, par définition, un fait inhabituel. Ce serait donc injuste d’attendre de votre équipe de communication qu’elle gère bien une crise si elle n’a pas été formée et entrainée à cela. Le stress et la fatigue liés à une crise sont très différents de ce à quoi ils sont habitués dans leur travail de tous les jours.

Il sera donc judicieux de faire appel à un spécialiste extérieur, un expert en communication de crise et en gestion de crise, pour former l’équipe, effectuer des répétitions ou des exercices de simulation et aider à la préparation des documents et procédures. Ce consultant en communication de crise pourra notamment vous aider à identifier ce qui est crucial et ce qui est juste utile, mais pas indispensable. Si vos budgets sont limités, cela peut être utile.

Qui communiquera auprès des médias sur les sites éloignés en attendant que vous et votre porte-parole arriviez sur place ? Les personnes chargées de cette mission doivent être soigneusement choisies et formées pour remplir ce rôle par intérim.

Entrainez-vous à utiliser la cellule de communication de crise. Vérifiez qu’il y a assez de téléphones , de batteries et d’écrans. Votre équipe saura-t-elle comment réagir si elle trouve des médias en embuscade devant leur domicile ? Que se passera-t-il si la crise prend un tour totalement inattendu ? Que ferez-vous si une crise évolue hors de tout contrôle ? Et si un homme politique connu se présente inopinément devant les caméras sur les lieux de la crise ? Comment gèrerez-vous les imprévus qui feront empirer la situation ?

COMMENT UTILISER LA « BIBLE » DE LA COMMUNICATION DE CRISE ?

C’est une bonne idée de centraliser tout ce que vous et vos collègues aurez besoin de savoir en cas de crise, sous la forme d’un guide ou manuel de communication de crise. Vous trouverez dans ce post une suggestion des informations à y inclure.

La première partie détaille les procédures (qui fait quoi, où et avec quoi) et comporte les coordonnées. Cette partie doit être concise, pour que les gens la lisent et s’en souviennent.

La seconde partie comportera des documents types, informations de contextes, fiches d’informations, graphiques et photos – tout ce que vous pourriez avoir besoin de communiquer aux mĂ©dias en cas de crise. Centraliser ces informations permet de gagner du temps lors d’une crise, oĂą vous aurez d’autres chats Ă  fouetter.

Les fiches d’informations permettent aussi de gagner du temps quand des douzaines voire des centaines de journalistes qui ne connaissent pas du tout votre organisation vous assaillent pour obtenir des informations et boucler leur reportage. Il faut éviter que votre équipe perde du temps à répondre à des questions élémentaires sur votre organisation.

Photographies : attention aux portraits où la personne a un air enjoué, ce qui n’est pas du tout adapté dans le cadre d’une communication de crise. Faites faire une série de portraits-photo sérieux.

Votre « Bible » de la communication de crise devrait figurer sur votre Intranet, mais aussi sous format papier. En effet, lors d’une crise, les fichiers informatiques peuvent ne pas être accessibles, donc vous devez disposer de formats papier.
Mettre Ă  jour ces informations est Ă©videmment chronophage, mais vital.

LES « DARK SITES »

Lors d’une crise, vous n’avez pas le temps de tout faire.

Pour vous faciliter les choses, dites aux journalistes de consulter votre « Dark Site », comportant des informations mises à jour en temps réel. Ils pourront y trouver vos communiqués les plus récents, des informations donnant du contexte, des photos, illustrations, cartes, graphiques, chiffres et données sur l’organisation, le lieu de la crise, les produits, les services, etc.

Certaines organisations créent des « Dark Sites » avec une URL séparée et distribuent des mots de passe.

D’autres préfèrent créer une partie distincte de leur page d’accueil normalement invisible, mais activée en cas de crise. La plupart des journalistes commencent leurs recherches sur vous par votre site Internet.

Ces microsites sont principalement créés pour les médias, mais peuvent aussi être utilisés pour tenir au courant les autres parties prenantes. De nombreuses personnes utilisent les réseaux sociaux comme sources d’information, donc le « Dark Site » doit être considéré comme une ressource supplémentaire et en aucun cas un remplacement de la communication auprès des parties prenantes via les réseaux sociaux.

LE JOUR J : L’HEURE D’OR FACE A LA CRISE

Une crise est déclarée. Alerte rouge !

La priorité numéro un est de s’assurer que les personnes affectées et leur famille sont prises en charge, non seulement par les services d’urgence, mais aussi par vous. Tout ce que vous direz doit souligner que vous donnez la priorité aux personnes affectées.

C’est un signal à tous les employés, notamment ceux qui sont sur place : la procédure de gestion de crise est enclenchée. Cela signifie que personne ne parle à une personne extérieure sans en avoir référé à la cellule de crise.

Vous rédigez et diffusez le premier communiqué. C’est le PDG qui doit s’en charger (ou son adjoint s’il n’est pas disponible). Idéalement, cette déclaration doit être faite à la première personne et sur les lieux de la crise, où se trouvent les caméras, les micros et les journalistes.

Ce communiquĂ© doit ĂŞtre envoyĂ© en mĂŞme temps Ă  tous vos autres contacts parmi les mĂ©dias et les parties prenantes – en particulier vos employĂ©s, qui sont souvent oubliĂ©s dans la communication de crise.

Il doit aussi être diffusé simultanément sur votre « Dark Site ».

Si votre PDG se trouve ailleurs, arrangez-vous pour le faire venir sur les lieux de la crise dès que possible. Accompagnez-le sur place. À partir de maintenant, votre rôle est de l’aider à décider ce qu’il doit dire ou faire.

Les campagnes de promotion ou de marketing sont suspendues. C’est important.

Il faut que les médias se disent dès le début que vous allez être honnête, transparent et coopératif. Si c’est le cas, ils concluront que vous vous comportez de manière responsable et que, contrairement à ce qu’ils attendaient, vous n’essayez pas de fuir vos responsabilités, de noyer le poisson, ou de cacher quoi que ce soit.

Le PDG peut par exemple dire : « Merci. Y a-t-il d’autres questions ? Sinon, je reviendrai à [indiquer un créneau, idéalement une ou deux heure(s) plus tard] pour vous donner plus d’informations. »

Il n’y aura probablement rien de neuf dans une ou deux heure(s). Mais peu importe : le fait que le PDG donne une heure et s’y tienne indique aux médias que vous tenez vos promesses. Une fois qu’ils seront convaincus que vous faites ce que vous avez promis de faire, ils mettront moins la pression à votre équipe de communication.

La manière dont votre équipe se comporte a un impact important sur la manière dont les médias présentent la crise. Ceux-ci n’ont pas connaissance des détails des évènements et ne savent souvent rien de votre organisation. Mais ils peuvent juger en quelques secondes si vous faites de votre mieux pour les aider à faire leur travail. Cette attitude peut être difficile à maintenir sous la pression, mais elle paie : il y a beaucoup plus de chance que les médias présentent les faits de manière équitable.

L’« heure d’or ». On dit parfois qu’à l’heure actuelle, vous ne disposez pas mĂŞme d’une heure et vous devez rĂ©agir en quelques minutes. Ce n’est pas souhaitable : il faut bien une heure pour Ă©valuer (autant que possible) ce qu’il se passe et pour rĂ©diger une première dĂ©claration en employant des mots et un ton adaptĂ©s. Ce n’est pas facile en gĂ©nĂ©ral, et encore moins quand les tĂ©lĂ©phones n’arrĂŞtent pas de sonner et que tout le monde s’affole. Ce premier communiquĂ© est crucial. Il donne le la, pour tout ce que vous direz ou ferez tout au long de la crise. Vous avez une heure – faites-en bon usage.

Le dernier mot

Gérer une crise est très dur. L’un des principaux challenges est de ne pas perdre de vue ce qui est important pendant la crise, et après.

On peut avoir du mal à croire que tout le monde n’a pas compris cette crise qui accapare tout votre temps. Comment peuvent-ils ne pas avoir vu ce qu’il se passait ?

Votre expérience a été riche en enseignements, car vivre une crise de l’intérieur donne un point de vue privilégié. Ce que vous avez appris sera très utile pour les autres.

C’est un aspect très important de la gestion de crise. Quand une crise est terminée, analysez ce qu’il s’est passé et tirez-en des leçons. Utilisez votre expérience pour aider les autres.

Pour des raisons évidentes, ne donnez pas de détails trop précis, mais tirez des leçons et des enseignements généraux de ce que vous avez pu constater.

Les études de cas permettent d’analyser les motivations des décisions prises lors d’une crise.

L’objectif d’une bonne gestion de crise est qu’on ne s’en souvienne pas. Mais ce n’est pas toujours le cas : faites des recherches sur « Tylenol » ou « Affaire Tylenol », et vous trouverez un bon exemple à suivre. Faites des recherches sur la « British Midlands » et vous trouverez des références au « Vol 92 British Midland ». Ces deux tragédies sont citées comme des exemples de bonne gestion de crise, mais trente ans après, ces deux noms de marques sont associés avant tout à des éléments très négatifs.

GĂ©rez la crise du mieux possible. Tirez-en des enseignements et partagez-les avec les autres.

FACE A LA CRISE, COMMENT FAIRE UN BON COMMUNIQUÉ DE PRESSE ?

Vous devez donner la priorité aux personnes affectées par la crise.

Le premier communiqué de votre porte-parole doit être diffusé rapidement (dans un délai d’une heure). Il doit clairement indiquer que le porte-parole est touché personnellement par ce qui vient de se passer et qu’il gère les choses, prend des initiatives et est déterminé à faire tout ce qui est possible pour prendre en charge les personnes dont la santé ou le bien-être ont été affectés et redresser la situation.

Il existe plusieurs « formules » pour rédiger les premiers communiqués de crise. Voici la mienne :

Reconnaissez que quelque chose s’est produit, ou s’est peut-être produit. Bien souvent, pendant l’« heure d’or », vous n’aurez pas connaissance de tous les faits, mais l’important est que le porte-parole n’esquive ou ne nie pas les choses : il fait face aux évènements et agit de manière responsable, compte tenu des informations dont il dispose.

Exprimez vos regrets quant aux conséquences pour les personnes touchées (toute personne dont la vie, la santé ou le bien-être peut être en jeu, et leurs familles). C’est la seule chose qui compte vraiment pour les gens lors d’une crise, donc cela doit constituer le cœur de votre message. On entend souvent que dire qu’on est « désolé » revient à reconnaitre sa responsabilité juridique, mais il y a une énorme différence entre « nous sommes désolés pour ce qui est arrivé » et « nous sommes désolés de ce que nous avons fait ».

Montrez-vous résolu à

1) coopérer avec les services d’urgence et les autorités pour résoudre le problème aussi vite que possible

et/ou

2) lancer une enquête interne pour comprendre ce qu’il s’est passé et s’assurer que cela ne se reproduira plus. Attention à ne pas laisser le porte-parole prendre la responsabilité d’une enquête relevant en fait des autorités.

Pour la plupart des crises, ce triptyque reconnaissance-regret-résolution correspond à ce que le porte-parole est en mesure de dire à ce stade. Les gens n’en attendent généralement pas plus.
L’honnêteté émotionnelle est cruciale

Noyé sous toute la préparation, les entrainements, les documents, les procédures à respecter, on risque parfois de négliger ce qui compte le plus auprès de votre auditoire : l’émotion.

Les crises sont souvent des tragédies. Tenez bien compte de cela et faites preuve d’une émotion sincère. Sinon, tous vos efforts pourraient être réduits à néant.

Les gens acceptent qu’on puisse faire des erreurs. Ils sont prêts à pardonner cela. Mais ils ne pardonnent pas l’absence d’émotion.

Le meilleur porte-parole n’est donc pas le collègue qui pourra lire des déclarations avec calme et assurance face à l’adversité. Ce sera quelqu’un qui réagira avec honnêteté et intégrité, et qui saura montrer ses émotions.

Dans une crise, les gens se souviennent de l’impact émotionnel davantage que des déclarations parfaitement rédigées. Il vaut mieux balbutier et montrer ce que vous ressentez réellement que paraitre froid et sans émotion.

COMMENT FAIRE UN BON DÉMENTI RAPIDE ?

Si un commentaire injuste ou infondé apparait dans les médias, il n’y a pas de temps à perdre. S’il reste sans réponse ou démenti, il sera repris par d’autres médias et restera gravé dans les mémoires.

Appelez le rédacteur en chef et insistez poliment pour qu’il se rétracte.

Si cela ne suffit pas, faites appel à un juriste spécialiste des médias.

Une fois une crise terminée, vous n’aurez probablement qu’une hâte : passez à autre chose et reprendre votre vie d’avant. Mais il vous reste encore une étape à effectuer.

Cet employĂ© de la sĂ©curitĂ© Ă  l’entrepĂ´t qui vous a appelĂ© quand un Ă©tranger lui a payĂ© un verre et lui a posĂ© des questions Ă©tranges… cet expert citĂ© dans Le Monde ou Le Figaro disant qu’elle savait que vos procĂ©dures de santĂ© et sĂ©curitĂ© Ă©taient les meilleures du secteur… ce journaliste qui a consacrĂ© du temps Ă  interviewer beaucoup de gens impliquĂ©s dans la crise et qui a rĂ©digĂ© un article Ă©quitable et honnĂŞte, etc.

Écrivez-leur pour les remercier. Si vous ne voulez pas remercier les personnes extérieures qui font « juste leur boulot », alors remerciez au moins vos collègues qui ont fait bien plus que ce qu’on attendait d’eux. Vous voudriez qu’ils fassent de même la prochaine fois.

PRENEZ DES NOTES ET TIREZ-EN DES LEÇONS

Toutes les crises sont différentes, donc notre gestion de crise est toujours au moins en partie expérimentale. L’un de vos objectifs est d’améliorer vos systèmes, documents et procédures. Pour y parvenir, gardez une trace de ce qui a été dit et fait, des résultats obtenus, etc.

Ces notes permettent aussi d’examiner l’enchainement des faits pour en tirer des conclusions, ce qu’il est difficile de faire quand on est au cœur de l’action.

Cela prend du temps, mais cela en vaut la peine.

COMMENT GÉRER LES INTERVIEWS À LA TV EN TEMPS DE CRISE ?

Les interviews à la télévision sont toujours stressantes. Le journaliste et l’équipe de montage sont des professionnels, vous êtes un amateur. Vous êtes face à un public qui n’apprécie généralement pas les porte-paroles d’entreprise. La plupart des gens, dans ce type de situation, ont tendance à avoir l’air crispés et mal à l’aise et à employer des mots manquant d’empathie ou de naturel.

Dans un contexte de crise, la pression est encore plus forte. Les journalistes sont enclins à vous trouver suspect, à penser que vous essayez de cacher quelque chose, donc ils considèrent qu’ils ont le droit de vous sauter à la gorge (au sens figuré !).

Voici quelques conseils :

Rappelez-vous que 80 % de l’impact de ce que vous dites n’a rien à voir avec le fond, mais avec la manière dont vous le dites, votre comportement, le ton de votre voix, etc. Les gens oublient les mots employés, mais se souviennent du langage corporel, des gestes, des attitudes.

Ce que vous portez a aussi de l’importance. Les hommes doivent porter une cravate et un costume sombres (même si ce n’est pas du tout ce qu’ils portent d’habitude au travail). Vous montrez ainsi que vous êtes conscient de la gravité de la situation. Pour les hommes comme pour les femmes, les cheveux doivent être bien peignés et ne surtout pas couvrir le visage. Vous devez projeter une image de professionnalisme.

Tenez-vous droit, avec une posture alerte et attentive. Gardez les mains jointes, que vous soyez assis ou debout. Inclinez-vous très légèrement en avant pour montrer que vous êtes attentif. Le haut du corps doit être détendu (pas de bras croisé). Votre langage corporel doit montrer que vous êtes sérieux et concerné, et aussi que vous n’avez pas peur de prendre vos responsabilités.

Votre voix ne doit pas être trop forte. Vous parlez d’une situation difficile, donc un ton enjoué ou détendu n’est pas adapté dans ce contexte. Mais évitez les tons monocordes, car ils donnent l’impression de parler comme un robot. Respectez les règles habituelles pour les interviews : ayez un débit un peu plus lent qu’une conversation normale et faites des pauses entre les phrases. Donnez-vous le temps de réfléchir à chaque question. Les réponses trop rapides peuvent sembler mécaniques. Regardez le journaliste dans les yeux.

Employez des mots ordinaires, de tous les jours. Évitez à tout prix le jargon, les termes spécifiques à l’entreprise et les tournures alambiquées soufflées par vos juristes. Faites des réponses qui viennent du cœur : tout ce qui compte pour votre auditoire, c’est la situation des personnes touchées. Ils attendent de vous que vous soyez touché, honnête et déterminé à faire ce qu’il faut pour rectifier la situation.

Empathie. Gentillesse. Souci des autres.

Choisir les mots adaptés n’est pas évident dans une interview. Pour certains porte-paroles, c’est plus facile s’ils s’imaginent qu’ils ne sont pas sur la sellette, interviewés par un journaliste, mais dans un café avec un ami proche et estimé.

PRIVILÉGIEZ LA COMMUNICATION EN PERSONNE

Toutes les bonnes plaisanteries ont un fond de vĂ©ritĂ©, donc la blague oĂą on demande : « Combien d’attachĂ©s de presse faut-il pour changer une ampoule ? » (rĂ©ponse : « Je n’ai pas la rĂ©ponse Ă  cette question – est-ce que je peux revenir vers vous ? »), est une des meilleures.

Au cours de mes 10 années d’expérience dans la communication de crise, une des choses qui m’a le plus exaspéré était la dichotomie entre les périodes où tout allait bien et celles où tout allait mal : quand tout allait bien, nous bombardions d’appels et d’e-mails les journalistes. Quand tout allait mal, c’était le silence radio.
Je sais que le secteur de la communication est conscient du problème et s’efforce de le résoudre. Mais cela se produit encore beaucoup trop souvent.

Mon conseil est donc le suivant : si vous n’avez pas les réponses quand c’est la panade, n’évitez pas les journalistes. Instaurez plutôt une forme de dialogue. Vous pouvez même dire (si vraiment vous n’avez pas le choix), que vous reviendrez vers eux plus tard. Ça vaut beaucoup, beaucoup mieux que le silence.
On entend souvent dire que les jeunes professionnels de la communication ont trop tendance à utiliser l’e-mail pour communiquer avec les journalistes. Mais l’inverse est tout aussi vrai : les jeunes journalistes ont trop recours à Internet et aux e-mails, plutôt que de décrocher leur téléphone pour poser des questions et s’informer.

Pourtant, on ne peut pas suivre un évènement et faire des recherches convenablement sans parler aux gens en personne ou au téléphone. Et puis, comment un professionnel de la communication peut-il présenter les choses à un journaliste ou gérer efficacement une crise sans avoir tissé de bonnes relations avec les journalistes ?

Lors d’une crise, les relations avec les médias sont cruciales.

Interaction avec le journaliste qui mène l’interview : votre seul objectif est d’aider le public à comprendre ce qu’il s’est passé et ce que vous faites pour résoudre la situation et éviter qu’elle se reproduise. Votre but est de communiquer des informations. Pour cette raison, écoutez attentivement les questions et montrez que vous faites de votre mieux pour y répondre, même si le journaliste multiplie les provocations et se montre peu respectueux.

FACE A LA CRISE, COMMENT EXPRIMEZ EFFICACEMENT VOS REGRETS ?

Il n’y a qu’un nombre limité de manières d’exprimer le regret. Il faut à tout prix éviter les clichés ou les formules toutes faites, car elles semblent peu sincères et vidées de sens. Mais ne soyez pas trop original non plus, cela pourrait sembler artificiel.

L’objectif du premier communiqué est de suggérer l’empathie. Donc le porte-parole (généralement le PDG) est personnellement ému et touché par ce qui s’est passé et il n’a pas peur d’exprimer ses émotions. Cela peut être difficile pour un PDG dont ce n’est pas le mode d’expression habituel.

Quelques conseils :

Dites « nous », plutôt que « je ». Si besoin, dites : « Mes collègues et moi, à [nom de l’entreprise]… ».

Mais il vaut encore mieux dire : « Tout le monde chez [nom de l’entreprise]… ».

Ne dites jamais : « Au nom de… » ou « Le comitĂ© de direction de [nom de l’entreprise] ». Cela suggère une distance entre le porte-parole et ce qu’il dit, ce qui n’est pas du tout l’objectif recherchĂ©.

N’employez jamais le mot « incident ». Si des personnes sont blessées, c’est une tragédie, une catastrophe, un évènement affreux, une urgence, un choc terrible, etc. Vous devez vous efforcer de voir l’évènement du point de vue des personnes affectées et leur famille. Pour eux, la situation est traumatisante.

Les mots employĂ©s doivent traduire cette empathie. Si vous y parvenez – et souvenez-vous que les mots utilisĂ©s ne contribuent qu’en partie Ă  l’impression crĂ©Ă©e – vous parviendrez peut-ĂŞtre Ă  conserver la confiance du public. Si vos paroles sonnent faux ou creux, il vous en voudra, voire vous dĂ©testera.

Certains porte-paroles emploient à bon escient des formules de tous les jours. « Tout le monde ici à [nom de l’entreprise] est carrément horrifié ». Mais cela ne marche que si c’est comme cela qu’ils s’expriment habituellement. C’est plutôt rare, car les PDG sont généralement des personnes ayant fait des études poussées, donc par définition qui ont peu tendance à employer le langage courant.

« Toutes nos pensĂ©es… » est presque un clichĂ©, mais fonctionne encore.

Mieux vaut éviter « Nous présentons nos condoléances ». Ce n’est pas le genre de choses que les gens disent lors d’une conversation. C’est une expression froide et formelle.

Il vaut probablement mieux parler de ce que vous faites pour aider. Les actions plutĂ´t que de simples phrases.

« Nous sommes tous choquĂ©s par ce qui vient de se produire. Je n’arrive pas Ă  trouver les mots. Mais je peux vous dire que des dizaines d’employĂ©s de [nom de l’entreprise] sont venus proposer leur aide… Ils se rendent sur place actuellement pour proposer d’hĂ©berger ou de vĂ©hiculer les familles… Ou faire ce qu’ils peuvent pour les aider… Nous faisons tout notre possible pour aider les gens – nos passagers/clients/locataires…

Nous ne pouvons qu’imaginer ce que ressentent les familles. Nous faisons tout ce qui est possible actuellement. Notre personnel est sur place, pour aider les proches. Nous ne savons pas quelle est la cause du crash/la catastrophe, mais nous faisons ce que nous pouvons pour aider les personnes affectĂ©es…

Les PDG ont souvent tendance à employer des tournures formelles quand ils sont sous pression. Dans un contexte de crise, cela donne l’impression qu’ils sont froids et détachés. Incitez-les à imaginer ce qu’ils diraient à un ami, dans un lieu familier. Ce sont les émotions, plus que les faits, qui provoquent la confiance ou le rejet du public.

Une seule chose compte pour [nom de l’entreprise] maintenant : faire tout ce que nous pouvons pour aider les proches des victimes. Des membres de notre personnel sont sur place en ce moment même.
Ils ont toute latitude pour aider les proches et ils resteront sur place aussi longtemps que ce sera nĂ©cessaire…

On croit toujours que le PDG doit faire un « communiqué formel ». Mais est-ce bien le cas ? Ne vaut-il pas mieux que ses paroles viennent du cœur ? Les avocats insistent souvent pour diffuser un communiqué froid, très « corporate », car ils pensent aux risques. Mais vous vous concentrez sur la réputation de l’entreprise, sur la nécessité que les gens continuent à l’apprécier. Un ton formel ne vous aidera pas à atteindre cet objectif.

Il ne peut rien y avoir de pire que de perdre un mari/frère dans un accident comme celui-ci. Tout le monde chez [nom de l’entreprise] fait son possible pour essayer d’aider les proches…

Quand quelque chose comme ça se produit, plus rien d’autre n’a d’importance.

Ce qui compte, c’est de faire tout ce qui est possible pour les familles et les proches. Tout le monde chez [nom de l’entreprise] a arrĂŞtĂ© ce qu’il faisait pour aider les personnes affectĂ©es du mieux possible…

Une seule chose compte pour [nom de l’entreprise] : que pouvons-nous faire pour aider les familles et les proches des personnes blessĂ©es ? Nous avons envoyĂ© des personnes sur place pour essayer d’aider au maximum… Les familles et les proches ont-ils besoin d’hĂ©bergement ? d’argent ? de nourriture ?

De quoi ont-ils besoin ? Nos Ă©quipes feront le maximum pour les aider.

Pour cela, bien sûr, il faut que le PDG se sente le devoir moral d’aider. Il faut espérer que c’est réellement le cas. Il est presque impossible de faire semblant face aux caméras.

La part d’humain

Au-delà de toute la préparation, la planification de contingence, les procédures, les documents et autres éléments que les équipes de communication auront pu faire d’avance, il y a bien sûr l’importance du moment présent. Ces équipes doivent alors réfléchir et agir au pied levé, en tenant compte de tous les facteurs extérieurs pour faire au mieux.

Pensez notamment aux actualités du jour et à la manière dont elles pourraient peser sur la manière qu’auront les médias de présenter la situation.

Choisissez bien votre porte-parole. Faites attention aux détails comme le style et les vêtements.
Mais, surtout, dans tout ce que vous faites, faites preuve d’humanité. Comment cette déclaration sonnera-t-elle ? Comment sera-t-elle perçue ? Comment en parlera-t-on à la table du diner dans chaque famille ?

Et bien sûr, collez aux faits, à la vérité. Ne faites pas l’erreur de confondre autorité et empathie, quand c’est cet aspect-là qui compte. Bannissez les termes techniques, le jargon, les tournures vagues, qui semblent évasifs et provoquent la méfiance.

Calme et serein

La première réaction de beaucoup de gens face à une crise est de paniquer. Ils veulent soit se précipiter pour prendre la parole, soit se cacher et ne rien dire. Certains voudront même frapper ceux qui les critiquent. D’autres encore essayeront de rejeter la faute sur quelqu’un d’autre. Ces réactions sont toutes compréhensibles, et combien humaines, mais elles ne sont pas souhaitables.

À l’ère des réseaux sociaux, on peut être tenté de l’oublier, mais la plupart des gens sont raisonnables. Ce ne sont pas des lobbyistes acharnés ni des extrémistes. Ils savent que le monde n’est pas parfait. Si vous montrez que vous êtes, vous aussi, une personne raisonnable, vous aurez toutes les chances de surmonter cette crise et conserver la bonne opinion du public.

Votre déclaration doit employer des mots et des tournures de tous les jours. Évitez le jargon, les termes techniques ou la « novlangue » managériale.

Les médias se nourrissent de la spéculation, donc tenez-vous-en aux faits et à ce que vous savez. Ne vous laissez pas tenter par l’idée de combler une absence d’informations par des déclarations que vous pourriez regretter plus tard.

Pour montrer que vous êtes raisonnable, reconnaissez ce qui est arrivé, exprimez votre sympathie pour les victimes et prenez vos responsabilités pour ce que vous pouvez contrôler.

Dites clairement ce que vous allez faire pour résoudre la situation et soyez concis, pour que les personnes touchées comprennent bien ce que vous dites.

Florian Silnicki

 

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