« L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare. » Maurice Blondel.
La presse traditionnelle, has-been ? Pas si sûr !
Si certains médias traditionnels sont sur le déclin, le communicant de crise que je suis, constate qu’ils ont toujours le pouvoir d’informer, de sensibiliser et de mobiliser l’opinion publique avec une force exceptionnelle.
Le rôle des réseaux sociaux devrait être de nous fournir des informations rapidement. Le rôle des médias traditionnels devrait être de nous fournir des informations exactes.
Je rejoins ici ce que disait Éric Fottorino, le cofondateur de l’hebdomadaire Le 1, de Zadig le Mag et d’America, invité de France Inter mercredi 25 décembre 2019 « On a érigé la vitesse en vertu, pourtant c’est ce qui nous fait perdre connaissance » .
La baisse de confiance dans les médias traditionnels est-elle irréversible ?
L’enquête de la fondation Jean-Jaurès et Conspiracy Watch réalisée par l’Ifop a démontré que les personnes qui s’informent en priorité via les réseaux sociaux croient plus aux fake news. Or, aujourd’hui, une majorité de Français se tient au courant des actualités au moins en partie sur les réseaux sociaux.
Les médias traditionnels ont une grande responsabilité dans la lutte contre les FakeNews. Le phénomène des FakeNews n’est pas nouveau en soi. Ce qui a changé, c’est la possibilité pour ceux qui en sont à l’origine de les diffuser rapidement et gratuitement.
A l’heure où le Google News Lab nous confirme l’emballement exceptionnel de l’actualité en 2019, une actualité ayant chassé l’autre avec des pics aussi explosifs qu’éphémères, la télévision reste la première source d’information dans l’ensemble de la population (pour 47% des sondés, devant internet à 28%, la radio à 17% et la presse écrite à 7%). Mais chez les moins de 35 ans, elle passe en deuxième position (37%), derrière internet (46%).
Une minorité de Français paie pour les actualités qu’ils consultent. Certains observateurs ont longtemps pensé à tort que cela impliquait que seuls des modèles de revenus basés sur la publicité étaient réalistes à long terme. Par conséquent, l’impératif d’obtenir des clics, des likes, des commentaires et des partages n’était pas prêt de disparaitre. Ce n’était pas une perspective réjouissante.
Les internautes restent nombreux à ne lire que des articles sur des sujets qui les indignent, ou qui sont cohérents avec leur vision du monde. Lorsqu’il s’agit de sujets qui suscitent les passions, comme la politique et la religion, les gens recherchent les conseils des experts qu’ils veulent bien écouter. Nous plaçons sur ces sujets notre confiance en des personnes que nous percevons comme étant comme nous. C’est ce qui explique que, ces dernières années, une partie du journalisme s’est fait de plus en plus sensationnaliste pour pouvoir survivre.
Heureusement, contrairement à ce que ces prophètes digitaux ont affirmé jusque là, l’expérience nous a montré que, la presse sur internet PEUT ne pas être que gratuite.
La génération de mes grands-parents était abonnée à un journal, qui était livré tous les matins et lu lors du petit-déjeuner.
Les journaux du week-end étaient un plaisir, car nous parcourions ensemble les suppléments Magazines ponctués de formats longs et de belles photos au cours du long déjeuner dominical en famille.
La génération de mes parents a plutôt eu tendance à acheter son journal tous les jours dans un magasin, plutôt que de se le faire livrer, mais je me souviens du plaisir de lire le journal, d’y trouver des recommandations de lectures et de rêver de découvrir des restaurants prestigieux qui y étaient valorisés.
Tout cela a beaucoup changé avec ma génération – les tirages des journaux sont en baisse, ce qui veut dire qu’une lecture structurée, où le rédacteur en chef hiérarchise l’information, articule les articles les uns avec les autres pour donner une vision et une opinion d’ensemble, a largement disparu, remplacée par les gros titres luttant pour captiver l’attention sur les sites d’informations, qui se basent aussi bien sur les réseaux sociaux pour alimenter la fréquentation du site Internet que sur la fidélité de leurs lecteurs.
Les Français font de moins en moins la différence entre ce qu’ils lisent dans les journaux et ce qu’ils ont vu sur les réseaux sociaux. Pourtant, la vérité n’est pas toujours aussi excitante, ou aussi rapide, à révéler qu’un récit conçu pour susciter des milliers de réactions sur les réseaux sociaux. En dépit de cela, les médias traditionnels ont encore le pouvoir de changer les choses.
Le rôle des médias libres et indépendants est, en partie de faire que les dirigeants, les organisations et les gouvernements répondent de leurs actes. Ce rôle n’a jamais été aussi important que dans le contexte actuel de post-vérité.
Bien que la confiance en général s’érode, l’actualité montre qu’il y a une résurgence de la confiance envers des journalistes d’investigation comme ceux de Mediapart, du Canard Enchainé ou encore de Cash Investigation, malgré les nombreux défaut du format de l’émission.
Bénéficiaire depuis 2011, Mediapart a dépassé le seuil des 140 000 abonnés en 2017. Il affiche une rentabilité unique dans le secteur de la presse, avec un résultat net de près de 2,2 millions d’euros en 2017, le tout en ne dépendant ni du marché publicitaire ni du pouvoir politique.
On pourrait également parler du Canard Enchaîné par exemple qui refuse la vente en numérique au format PDF et limite sa présence sur le Web au strict minimum. Sa diffusion totale payée est de 400 000 exemplaires en moyenne et ses réserves s’élèvent à près de 130 millions d’euros. Son modèle économique est exclusivement basé sur une information papier et payante.
Les principaux scandales révélés ces derniers temps l’ont été par de bons journalistes d’investigation. Les médias traditionnels sont peut-être en train de trouver leur voie. Et l’espoir est permis.
En 2017, un rapport Reuters a montré que, pour la première fois, un nombre record parmi la génération Y commençait à payer pour consulter les médias, au moins aux États-Unis. Le nombre de jeunes Américains (âgés de 18 à 24 ans) qui ont payé pour accéder à des informations en ligne est passé de 4 % en 2016 à 18 % en 2017. Le nombre d’Américains ayant entre 25 et 34 ans et payant pour accéder à des nouvelles était lui aussi passé de 8 % en 2016 à 20 % en 2017.
À quoi est dû ce phénomène aux États-Unis ? Le rapport suggère qu’il y a deux raisons : les plus jeunes sont plus à l’aise avec l’idée de payer pour des contenus de qualité via des services de streaming comme Netflix ou Spotify, et aussi ce que le rapport appelle le phénomène de « courbe Trump », c’est-à-dire une augmentation du nombre de jeunes gens recherchant des informations de qualité, fiables, après les dernières élections présidentielles américaines. C’est encourageant pour le secteur des médias.