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Assumer !

Dans les années quatre-vingt, avant Internet, le paysage médiatique se cantonnait aux journaux papier, à la radio et à la télévision. Les archives n’étaient accessibles qu’aux spécialistes. L’audience se concentrait dans cet éventail de canaux limité. Dans cette époque qui semble si lointaine, l’oubli était encore possible. Un groupe pouvait espérer mettre sous le tapis un historique gênant ou faire table rase de dirigeants discrédités.

Les médias n’avaient guère de souvenirs, et par conséquent le public non plus. Quand ce petit nombre de quotidiens, magazines, JT et flashs radio évoquaient une affaire, ils touchaient un large public. Mais ensuite, en raison de la rareté de l’espace médiatique disponible, ils passaient rapidement à la suivante. Aujourd’hui, avec le maintien des informations sur Internet, tout a changé. Une mésaventure transcrite sur le web, même fugacement, devient indélébile, indestructible. Cette vertigineuse mémoire d’Internet peut emprisonner une marque dans sa crise. Elle la traîne bien plus longtemps qu’auparavant et subit des répliques récurrentes.

Quand des articles restent accessibles pour une durée indéterminée, quand l’histoire est rappelée au souvenir du public par le moindre mot-clef sur un moteur de recherche, comment effacer l’ardoise d’une crise passée ? Faut-il tenter d’imposer un nouveau récit ? Ne jamais plus en reparler pour espérer enterrer ces cadavres ? Se séparer de la filiale la plus touchée ? Changer de nom ? De patron ?

J’ai vu tous les cas de figure, avec des succès mitigés. Puisque l’oubli est tout simplement impossible, je suis partisan d’assumer qu’on a pu avoir une défaillance, de reconnaître que les erreurs sont possibles. La meilleure façon de faire oublier un faux pas est d’expliquer qu’il y a une difficulté, qu’on l’a corrigée et qu’on est passé à autre chose. Avouer franchement l’existence d’un problème est au fond le meilleur moyen de gagner la confiance du consommateur, car il saura que si jamais un jour un problème survient de nouveau, vous lui direz, avec transparence, et que vous prendrez toutes les mesures nécessaires pour rectifier le tir, gérer les conséquences et lui porter assistance.

Attention, cette stratégie implique d’avoir au préalable identifié la source du problème, pour s’assurer qu’il peut être éliminé. Un objectif qui peut s’avérer difficile à atteindre dans un laps de temps restreint, en particulier dans les processus industriels complexes comme l’agroalimentaire. Une entreprise y parviendra toujours, mais la recherche peut prendre du temps. Ce temps que les impératifs de rapidité médiatique ne laissent que rarement. L’obligation de communiquer rapidement pour rassurer les consommateurs entre souvent en opposition avec cette nécessité. En effet, il faut parfois procéder à des analyses chimiques ou biologiques, passer au peigne fin les lignes de production, puis confirmer ces premiers tests. Autant de délais incompressibles, alors qu’il faut, parfois dans l’heure, répondre aux questions insistantes des journalistes. C’est tout le savoir-faire du communicant de crise, qui sera chargé de faire comprendre ce délai. 

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