crise

Le comble

Parmi les plus spectaculaires échecs de communication, le cas du câblo-opérateur Numericable, en 2009, remporte sans doute une palme d’or. Tous les ingrédients d’un crash réputationnel sont réunis. Numericable, alors premier câblo-opérateur de télévision et fournisseur d’accès à Internet par câble en France métropolitaine, né deux ans plus tôt d’une fusion de Noos et de NC Numericable, a été racheté par le groupe Altice de Patrick Drahi.

En 2009, le groupe, qui emploie 2 000 collaborateurs, est embourbé dans un conflit violent avec ses revendeurs à domicile, qui contestent la politique de rémunération et le licenciement d’une dizaine d’entre eux pour faute grave. Ils sont soutenus par un collectif altermondialiste, baptisé Les Désobéissants. Le 19 février, alors que les grévistes occupent le siège de Numericable à Champs-sur-Marne, la luxueuse voiture du P.-D. G., Pierre Danon, conduite par un chauffeur, écrase le pied d’un gréviste. Et redémarre… La presse l’assassine. « Le P.-D. G. écrase un gréviste et s’enfuit », titre un grand quotidien. Une vidéo montre la voiture de Pierre Danon foncer sur le parking.

Numericable accident

Certes, la justice classe sans suite la plainte du syndicaliste, pourtant hospitalisé pour une triple fracture du pied. Mais sur le plan réputationnel, le groupe aggrave son cas en envoyant son porte-parole affirmer que la victime a placé tout exprès sa jambe sous la roue arrière, en criant « Maintenant ils vont raquer ».

Et d’ajouter : « Est-ce que vous pensez vraiment qu’il aurait roulé à dessein sur son salarié ? C’est bien que ce dernier a accepté de se faire rouler dessus ».

Indignés, les grévistes sont reçus par la maire PCF de Champs-sur-Marne, Maud Tallet, qui donne à l’affaire une dimension politique. « Incroyable et épouvantable que la scène ait suscité zéro émoi de la part d’une entreprise qui ne dialogue ni avec ses clients, ni avec ses salariés, et qui fait un plan social tous les deux ans », s’écrie-t-elle.

Pierre Danon, homme d’affaires ambitieux, passé par British Telecom et JP Morgan, devient le symbole du patron cynique et sans cœur. Son entreprise est discréditée, pour ses clients comme pour ses salariés. On ne reparlera de lui que lorsqu’il deviendra un acteur clé de la campagne présidentielle de François Fillon… Numericable, connu pour ses déplorables relations clients, ne se débarrassera jamais de sa mauvaise image. Ou plus exactement, ne la fera oublier que lorsqu’il changera de nom pour devenir SFR, après le rachat de SFR par Altice et la fusion providentielle Numericable-SFR en 2014.

Dans la famille des pires catastrophes industrielles, citons enfin le Galaxy Note 7 de Samsung, retiré du marché juste après son lancement en 2016, pour risque d’explosion. Le groupe coréen avait pourtant dévoilé en grande pompe son nouveau modèle, présenté en rival de ceux d’Apple. Les précommandes battent des records. Mais un mois plus tard, les ennuis commencent.

Des utilisateurs en Chine se plaignent de surchauffe et de batteries qui explosent. Samsung suspend ses livraisons en Corée et le lancement en Europe, au moment même où Apple annonce son iPhone 7. Hélas pour le groupe coréen, il lui faut rappeler les millions de téléphones déjà vendus. Coût : un milliard de dollars ! Plusieurs compagnies aériennes interdisent l’appareil à bord et diffusent un message de prévention avant chaque décollage. Aux États-Unis, le simple fait d’emporter un Galaxy Note 7 dans un avion devient un crime fédéral, passible de lourdes peines. Une class action est lancée contre Samsung. Une marque stigmatisée dans tous les avions du monde, c’est du jamais vu !

Pour Samsung, c’est une terrible atteinte à son image de marque mondiale. Le titre décroche en Bourse, 25 milliards de dollars partent en fumée. Aux États-Unis, des dizaines de cas de surchauffe sont signalés. Les appareils sont remplacés par de nouveaux modèles, dotés de nouvelles batteries. Mais ce n’est pas la fin du cauchemar. Car des clients constatent des accidents similaires avec des Galaxy Note 7 remplacés !

Un Galaxy Note 7 échangé prend feu dans un avion aux États-Unis, un Américain est hospitalisé suite à l’inhalation de la fumée de son Galaxy Note 7… Plusieurs opérateurs et revendeurs américains le retirent du commerce. Mi-octobre, le géant coréen jette l’éponge et organise un rappel mondial, doublé d’un arrêt des ventes du Galaxy Note 7. Coût : 17 milliards de dollars, selon la presse. Samsung distribue des boîtes « explosion proof » pour les retours, offre même, humiliation suprême, des bons d’achat aux utilisateurs qui veulent changer de constructeur. La marque envisage un moment d’éliminer toute sa gamme Galaxy Note pour faire oublier l’histoire…

Ses efforts vont payer : une avalanche de nouveaux modèles relègue cette mésaventure dans le passé de la marque. Mais avec un coût faramineux en rappels et cadeaux aux clients mécontents.

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