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Communication de crise : comment lutter efficacement contre les Fake News 🧹

“Les FakeNews sont d’abord un marchĂ©”

Les FakeNews : Arme de destruction massive, Business lucratif ou Cancer de l’information ?

Comme communicant de crise, je suis chaque jour frappĂ© par l’ampleur prise par la diffusion de FakeNews sur les internets. C’est Ă©videmment la perte de confiance dans les institutions qui favorise la croissance de ces FakeNews donc certains ont fait un juteux business. Les premiĂšres victimes des FakeNews sont les organisations en crise.

La mission du communicant de crise c’est souvent de sauvegarder la rĂ©putation d’une entreprise ou de restaurer l’image d’une personnalitĂ© exposĂ©e. Pour cela, l’expert en communication de crise propose gĂ©nĂ©ralement un storytelling clĂ©s en main sur ses clients afin de leur faire remporter la bataille de l’opinion publique. Souvent, la communication de crise vise Ă  prĂ©server leur image et leur rĂ©putation face Ă  des attaques nĂ©es dans la presse ou sur internet. Dans ce cadre, la lutte contre les FakeNews est un combat de chaque instant.

Il y a quelques jours, McDonald’s qui s’y refusait jusqu’alors, a ainsi rĂ©cemment fait visiter aux Ă©quipes du journaliste français Adrien Rohard pour FranceInfo, ses usines de fabrication de pains Ă  hamburger afin de lutter contre l’idĂ©e rĂ©pandue selon laquelle le cercle blanc sous les hamburgers de type Big Mac serait de l’anti-vomitif … une fausse information Ă©videmment trĂšs dĂ©rangeante pour le gĂ©ant amĂ©ricain du fast-food qui s’est dĂ©cidĂ© Ă  combattre cette rumeur qui enfla rapidement pour plusieurs raisons mais d’abord parce qu’il y a un fait observable par chacun de ses clients : il y a bien sous le burger un rond blanc.

Je ne compte plus le nombre de clients confrontĂ©s depuis quelques annĂ©es Ă  ce type de messages malveillants Ă©mis par d’anciens salariĂ©s qui veulent se venger de leur ex-employeur ou Ă  des mensonges vĂ©hiculĂ©s par des concurrents malintentionnĂ©s afin d’amĂ©liorer leurs ventes ou leur valorisation sur le dos d’un autre acteur du marchĂ© quand ce n’est pas pour parasiter une OPA, …

Ces informations circulent autant sur les rĂ©seaux sociaux que sur des messageries comme WhatsApp. Ces fausses informations circulent d’ailleurs depuis deux ans de plus en plus sur les messageries sĂ©curisĂ©es du type Telegram ou Signal. Leurs auteurs ayant le sentiment d’ĂȘtre “anonymes” ou “protĂ©gĂ©s” par l’utilisation de ces canaux de diffusion.

La grande majoritĂ© de ces informations bien entendu complĂštement fausses sont de simples intox visant Ă  inquiĂ©ter et semer la confusion auprĂšs de personnes qui se mĂ©fiaient dĂ©jĂ  des politiques du gouvernement, de la sĂ©curitĂ© sanitaire des gĂ©ants amĂ©ricains, etc. Ces infos jouent systĂ©matiquement sur les peurs existantes qui naissent de la dĂ©fiance Ă  l’Ă©gard de la parole des institutions.

Certaines intox sont d’ailleurs d’une cruautĂ© sans nom concernant certains faits divers d’actualitĂ©.

Comment face face Ă  l’essor des fakenews ?

Le terme « fake news » dĂ©signe notamment ces histoires complĂštement inventĂ©es circulant massivement sur les rĂ©seaux sociaux. Chaque fausse information est assortie d’affirmations invraisemblables gĂ©nĂ©ralement sur un sujet brĂ»lant pour mieux ĂȘtre partagĂ©es Ă  la vitesse du TGV.

Plus les affirmations sont aberrantes, plus elles sont relayĂ©es. Et bien sĂ»r, plus elles sont partagĂ©es, plus elles ont de la valeur. C’est le thĂ©orĂšme des FakeNews.  Les revenus tirĂ©s de la publicitĂ© et basĂ©s sur des algorithmes ont sont gĂ©nĂ©ralement une motivation trĂšs forte dans leur crĂ©ation et leur diffusion. Le rĂŽle du communicant de crise peut ĂȘtre de bloquer la gĂ©nĂ©ration de revenus afin de bloquer la diffusion de ces fausses informations malveillantes.

J’ai observĂ© grĂące aux piĂšces obtenues au cours des nombreuses procĂ©dures judiciaires engagĂ©es par mes clients confrontĂ©es Ă  des crises que la production de fakenews est une vĂ©ritable industrie, trĂšs lucrative. Les sites d’ “informations” ont gĂ©nĂ©ralement tous des noms a priori crĂ©dibles et sonnant “sĂ©rieux”. Ces usines Ă  fakenews que je combats sont justement conçues pour faire croire Ă  leurs lecteurs qu’elles sont des sources dignes de confiance. Il ne s’agit pas de sites humoristiques, dont le but est de distraire et faire rire comme certains s’en dĂ©fendent. Au contraire, l’objectif de la plupart de ces fausses informations soigneusement conçues est de manipuler leur auditoire en les convainquant qu’il s’agit de la vĂ©ritĂ©.

Un site de fake news peut obtenir plusieurs centaines de milliers de rĂ©actions (dĂ©finies comme le fait de partager, liker, rĂ©agir ou rĂ©diger un commentaire) sur Facebook sur un seul mois. Ce qui montre l’impĂ©rieuse nĂ©cessitĂ© de lutter contre ces fausses informations. C’est dire l’ampleur du danger qu’elles reprĂ©sentent pour la dĂ©mocratie.

Identifier et signaler les fakenews est une bataille sans fin pour Facebook, Google et consorts mais aussi pour les spĂ©cialistes de la communication de crise chargĂ©s de protĂ©ger l’image et la rĂ©putation de leurs clients. Depuis 2013, les grands rĂ©seaux sociaux ont rĂ©guliĂšrement annoncĂ© de nouvelles mesures pour restreindre la publicitĂ© sur les sites de fake news.

Les motivations des crĂ©ateurs de FakeNews sont souvent d’ordre financiĂšres. Mais dans certains cas, les motivations sont bien plus inquiĂ©tantes. Certains hackers et cybercriminels sont passĂ©s maitres dans l’art de la manipulation – ils s’appuient sur la psychologie et le “hacking social” pour persuader leurs cibles de cliquer sur des liens ou tĂ©lĂ©charger des logiciels malveillants sur leurs appareils. Les fake news ne sont alors qu’une arme supplĂ©mentaire Ă  leur disposition.

Pourquoi les fake news sont si partagées sur internet ?

Pourquoi nous laissons-nous convaincre par les fake news ? La plupart du temps, c’est parce qu’elles jouent sur nos peurs ou nos espoirs. Les fakenews sont gĂ©nĂ©ralement des histoires qui renforcent ce en quoi nous voulons croire, c’est le principe de l’enfermement dans une bulle cognitive.

La vulnĂ©rabilitĂ© des humains face Ă  la manipulation sociale est fondĂ©e, d’un point de vue historique. Les sociologues et les historiens sont nombreux Ă  avoir dĂ©crit le fait qu’Ă  l’époque de la prĂ©histoire, oĂč les humains Ă©taient confrontĂ©s Ă  des prĂ©dateurs, c’était une bonne chose de faire confiance Ă  nos cercles amicaux tout en rejetant les informations qui contredisaient nos expĂ©riences passĂ©es. Mais Ă  l’ùre d’Internet, ĂȘtre connectĂ© via les rĂ©seaux sociaux Ă  un conspirationniste vivant aux antipodes ne nous aide en rien Ă  avoir des opinions bien informĂ©es.

C’est ce phĂ©nomĂšne qui aboutit Ă  la formation de chambres d’échos sur les rĂ©seaux sociaux et qui nous empĂȘche en partie de distinguer les vraies nouvelles des fake news. Dans notre bulle cognitive, nous sommes exposĂ©s Ă  des informations sĂ©lectives, qui confortent nos propres opinions. C’est un terreau idĂ©al pour communiquer davantage sur ces opinions, mais cela nuit au dĂ©veloppement d’un scepticisme pourtant salutaire. Le biais de confirmation nous pousse Ă  partager un article sans que nous l’ayons lu au-delĂ  du titre.

Les trois principaux types de fake news.

Il existe trois types de fake news :

1. les manipulations.

On peut les diviser en deux sous-groupes :

a. les couvertures mĂ©diatiques dĂ©libĂ©rĂ©ment frauduleuses de la part de journalistes – par exemple un journal Ă  sensation donne une version dĂ©libĂ©rĂ©ment alarmiste d’un dĂ©lit, ou d’un scandale auquel est associĂ©e une cĂ©lĂ©britĂ©. Cela permettra ensuite de gĂ©nĂ©rer des « piĂšges Ă  clics », c’est-Ă -dire des titres rĂ©digĂ©s spĂ©cialement pour encourager les gens Ă  cliquer dessus et lire toute l’histoire.

b. les couvertures mĂ©diatiques oĂč les faits sont sĂ©lectionnĂ©s ou prĂ©sentĂ©s d’une maniĂšre subjective conforme aux opinions du journaliste ou du rĂ©dacteur en chef.

2. les intox Ă  grande Ă©chelle. La fabrication ou falsification dĂ©libĂ©rĂ©e de nouvelles qui pourront ensuite ĂȘtre partagĂ©es par des gens qui les considĂšreront comme vraies, soit sur les rĂ©seaux sociaux, soit parfois dans les mĂ©dias traditionnels.

3. les canulars, comme les informations satiriques ou les sites parodiques. On peut citer l’exemple du Gorafi. Ils n’ont pas pour but de tromper mais de se moquer.

Si on prend le temps de les analyser, la plupart des fake news qui se diffusent sur les rĂ©seaux sociaux semblent trĂšs clairement aberrantes. Les organismes gouvernementaux qui pensaient traditionnellement avoir assez Ă  faire pour compiler de vrais renseignements via leurs agences, sans avoir en plus Ă  se prĂ©occuper de toutes les informations que nous postons sur Facebook semblent aujourd’hui avoir pris conscience de l’ampleur de la gravitĂ© de la diffusion des fakenews sur internet.

A chaque crise, je constate que mĂȘme lorsqu’il y a peu de chance qu’une information soit vraie, les citoyens y croient au dĂ©triment de mes clients. En fait, c’est assez simple Ă  comprendre, nous sommes particuliĂšrement avides d’anecdotes qui soient cohĂ©rentes avec notre biais de confirmation et qui renforcent nos convictions. Et internet est particuliĂšrement friand de thĂ©ories conspirationnistes ou complotistes. Le nombre de personnes saines d’esprit par ailleurs qui sont rĂ©ellement persuadĂ©es que la Princesse Diana a Ă©tĂ© assassinĂ©e par la famille royale ne manque jamais de me surprendre…

Avec le dĂ©clin de la confiance accordĂ©e aux mĂ©dias, les gens recherchent des nouvelles auxquelles ils font instinctivement confiance, et ils les diffusent ensuite. Les recherches ont dĂ©montrĂ© que les fake news ont beaucoup plus de chance d’ĂȘtre partagĂ©es que les nouvelles vĂ©ridiques. Ce n’est pas surprenant. Il ne s’agit pas d’informer sur des faits. Ce sont des anecdotes sensationnalistes, conçues spĂ©cialement pour satisfaire les instincts de l’auditoire et inciter les gens Ă  diffuser en masse. Il s’agit de manipulation basĂ©e sur l’émotion instinctive voire impulsive et sur des sentiments exacerbĂ©s. Et cela fonctionne.

La baisse de confiance dans les médias traditionnels.

Le phĂ©nomĂšne de fausses nouvelles n’est pas nouveau en soi. Ce qui a changĂ©, c’est la possibilitĂ© de les diffuser rapidement.

Ce n’est donc pas une surprise de lire que, selon les derniers baromĂštres de confiance publiĂ©s, la confiance en les mĂ©dias, les gouvernements et les institutions est au plus bas. C’est en partie la consĂ©quence des fake news. Nous savons qu’on nous prĂ©sente des informations qui sont fausses. Mais comment dĂ©mĂȘler le vrai du faux ? Dans le monde, environ 7 personnes sur 10 s’inquiĂštent du fait que les fake news ou fausses informations puissent ĂȘtre utilisĂ©es comme armes et 59 % affirment qu’il est de plus en plus difficile de dĂ©terminer si une information est issue d’un organe d’informations respectĂ©. Pour ajouter Ă  la confusion, la dĂ©finition du terme « mĂ©dias » a changĂ©. Nous considĂ©rons de plus en plus des plateformes (comme les rĂ©seaux sociaux ou les moteurs de recherche) comme des mĂ©dias.

En l’absence de sources mĂ©diatiques faisant autoritĂ©, vers qui se tourner ? …

Les Fake news et les marques en crise

Les marques aussi sont les victimes des fakenews, et tout particuliÚrement les marques en crise. Dans presque toutes les crises que nous avons observées et analysées, des gens diffusent délibérément des rumeurs et fausses informations pour empirer les choses.

Starbucks en a fait l’expĂ©rience en 2018, aprĂšs un incident dans un cafĂ© de Philadelphie, qui a suscitĂ© l’indignation. Rashon Nelson et Donte Robinson, deux jeunes Noirs amĂ©ricains, sont entrĂ©s dans un cafĂ© Starbucks avec quelques minutes d’avance pour leur rĂ©union. Ils ont demandĂ© Ă  utiliser les toilettes, mais n’ont rien consommĂ© car ils attendaient l’arrivĂ©e d’une troisiĂšme personne. Un employĂ© du cafĂ© leur a indiquĂ© que les toilettes Ă©taient uniquement destinĂ©es aux clients du cafĂ© et leur a demandĂ© d’acheter quelque chose ou de partir. Les deux hommes ont ignorĂ© sa demande et l’employĂ© a appelĂ© la police. Les deux hommes ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s.

L’incident a Ă©tĂ© filmĂ© par les clients (qui ont confirmĂ© que les deux hommes n’avaient rien fait de mal, Ă  part avoir utilisĂ© les toilettes sans rien consommer) et la vidĂ©o a fait le tour d’Internet. Les gens ont Ă©tĂ© indignĂ©s et l’entreprise a Ă©tĂ© accusĂ©e de racisme.

Starbucks s’est trĂšs vite excusĂ©e. L’entreprise a pris l’initiative sans prĂ©cĂ©dent de fermer 8 000 de ses cafĂ©s aux États-Unis pour effectuer une session de sensibilisation au racisme auprĂšs de ses employĂ©s. Le PDG de Starbucks, Kevin Johnson, a rencontrĂ© les deux hommes, qui ont tous deux acceptĂ© de participer Ă  l’initiative de sensibilisation. En mai 2018, Rashon Nelson et Donte Robinson ont dĂ©cidĂ© de mettre fin aux poursuites qu’ils avaient lancĂ©es, en l’échange d’un dollar symbolique pour chacun et d’une dotation de 200 000 $ Ă  un programme de soutien de jeunes entrepreneurs.

Peu aprĂšs l’incident, des rumeurs se sont diffusĂ©es sur les rĂ©seaux sociaux selon lesquelles en guise d’excuse, Starbucks remettait des bons pour des cafĂ©s gratuits pour les Noirs amĂ©ricains. Un bon de rĂ©duction trĂšs rĂ©aliste a Ă©tĂ© diffusĂ© sur les rĂ©seaux sociaux – selon Snopes.com, ce bon serait venu du forum 4chan, Ă  la sinistre rĂ©putation et aurait Ă©tĂ© diffusĂ© Ă  des fins racistes. Starbucks a Ă©tĂ© contrainte de diffuser un communiquĂ© de crise auprĂšs du site d’informations Business Insider pour confirmer qu’il s’agissait d’un faux. L’anecdote autour de ce bon a bien sĂ»r alimentĂ© la machine mĂ©diatique, qui a Ă  nouveau Ă©voquĂ© l’incident raciste.

Il ne faut pas oublier que les fakenews ont souvent des motivations politiques. En se rendant sur les principaux sites français de FakeNews, on trouve des pages et des pages de pseudo-informations politiques qui ont Ă©tĂ© constituĂ©es de toutes piĂšces dans le but de susciter l’indignation de sympathisants ou des militants de l’un ou l’autre bord. Cela peut aussi avoir des rĂ©percussions graves sur les marques, dans le contexte actuel de passions exacerbĂ©es. On l’a vu pendant l’Ă©pisode des Gilets Jaunes.

La leçon de tout cela ? Lorsque nous voulons croire Ă  une anecdote, nous ne prenons malheureusement souvent pas le temps de vĂ©rifier les faits. C’est ce comportement spontanĂ© que le communicant de crise doit combattre au quotidien afin de protĂ©ger ses clients.

Certaines organisations comme Sleeping Giants, ce collectif de militants agissant sur les rĂ©seaux sociaux dont l’objectif est la lutte contre le financement des discours de haine sur internet et dans les mĂ©dias combat quotidiennement les fakenews qui fragilisent notre lien social et fraternel qui fonde le principe social du vivre ensemble.

Florian Silnicki

 

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