Les coups de fil paniquĂ©s de mes clients ? C’est toujours (Ă peu prĂšs) la mĂȘme chose depuis dix ans.
Quelque chose sâest produit. Un journaliste a appelĂ© car votre PrĂ©sident a Ă©tĂ© placĂ© en garde Ă vue, un document confidentiel a Ă©tĂ© publiĂ© sur internet, un concurrent a annoncĂ© vous attaquer en justice, un tweet stigmatisant d’un Ă©lu a Ă©tĂ© crĂ©e, une vidĂ©o compromettante a Ă©tĂ© diffusĂ©e sur YouTube, une dĂ©putĂ©e a posĂ© une question accablante lors dâune session parlementaire.
En tant que communicant de crise, la question Ă laquelle je dois rĂ©pondre immĂ©diatement avec mon client, c’est : est-ce une crise ? Doit-il enclencher la procĂ©dure de gestion de crise ? Ou bien vaut-il mieux attendre et voir ce quâil se passe ensuite ?
Cette dĂ©cision est trĂšs importante. Câest Ă nous de juger. Câest Ă nous de prendre cette dĂ©cision. Le rĂŽle du communicant de crise est important car souvent vous ĂȘtes la seule personne Ă disposer de lâexpĂ©rience et lâobjectivitĂ© nĂ©cessaire pour dĂ©cider dâagir ou d’attendre.
Selon ma propre expĂ©rience, il vaut gĂ©nĂ©ralement mieux agir – quitte Ă ensuite essuyer des critiques, car rien ne se sera passĂ© – quâattendre et voir. Câest vrai qu’il s’agit lĂ , d’un exercice dĂ©licat. Mes clients me disent souvent : il ne faut pas pour autant crier au loup Ă la moindre secousse. Je leur rĂ©ponds alors systĂ©matiquement qu’il vaut mieux agir que dâĂȘtre pris au dĂ©pourvu.
« FLORIAN, NOUS AVONS DĂJĂ LA CRISE Ă GĂRER. FAUT-IL EN PLUS ABSOLUMENT DIRE QUELQUE CHOSE AUX CLIENTS ET AUX MĂDIAS ? »
Jâai entendu cette phrase des centaines de fois. Vous aussi probablement. Les managers prĂ©fĂšrent manifestement garder le silence quand ils nâont pas tous les Ă©lĂ©ments Ă leur disposition. Câest comprĂ©hensible : les managers sont formĂ©s Ă ne diffuser que les informations dont ils sont sĂ»rs.
Les dĂ©cideurs les plus expĂ©rimentĂ©s savent gĂ©nĂ©ralement que communiquer, c’est dĂ©jĂ , commencer Ă gĂ©rer la crise et donc protĂ©ger l’organisation ! (La communication est un mĂ©tier ^^)
J’ai vu chez mes clients, de trop nombreux managers n’ayant pas Ă©tĂ© formĂ©s Ă la communication et qui ne n’Ă©taient pas des communicants nĂ©s. Les ingĂ©nieurs par exemple sont gĂ©nĂ©ralement plus Ă lâaise avec les disciplines dites âduresâ quâavec la pratique subtile de la communication, la prise de parole en public et le dialogue avec les parties prenantes. TrĂšs peu de PDG sont issus dâune formation de vente, par exemple.
En temps de crise, les porte-paroles doivent faire appel Ă des compĂ©tences qui ne leur viennent peut-ĂȘtre pas naturellement. Câest donc injuste, et peu judicieux, de les exposer au feu roulant des mĂ©dias sans les avoir formĂ©s, conseillĂ©s et guidĂ©s. Oui, en temps de crise, il faut dire quelque chose. Cela doit ĂȘtre la bonne chose Ă dire, et cela doit provoquer la sympathie et le soutien.
« Un mensonge peut traverser la moitié du monde, pendant que la vérité met ses chaussures. »
Câest ce que disait le prĂ©dicateur baptiste anglais Charles Spurgeon.
CâĂ©tait en quelque sorte un prĂ©dicateur spĂ©cialisĂ© dans la communication. Pareil pour moi : jâai commencĂ© dans la communication il y a 10 ans et ces annĂ©es dâexpĂ©rience – passĂ©es notamment aux cĂŽtĂ©s des meilleurs consultants internationaux spĂ©cialisĂ©s dans la gestion de crise – mâont montrĂ© que jâavais eu raison sur un point depuis le dĂ©but.
Il faut toujours dire la vĂ©ritĂ©. Mentir est la pire stratĂ©gie. Cacher des choses est la pire tactique. Vous finirez toujours par ĂȘtre dĂ©masquĂ©…
Il y a 10 ans, un hĂŽtel a Ă©tĂ© victime dâune Ă©pidĂ©mie de lĂ©gionellose. Un client est dĂ©cĂ©dĂ©. LâhĂŽtel a paniquĂ©. Nous avons envoyĂ© une collĂšgue trĂšs expĂ©rimentĂ©e pour gĂ©rer la situation. Ses mots dâordre Ă©taient : ne jamais dire « sans commentaire ». Toujours dire la vĂ©ritĂ©. Ne pas se cacher. Ne pas avoir peur de sâexcuser.
Elle sâen est tenue Ă ses mots dâordre. Le client nâĂ©tait pas du tout dâaccord. Ă ma grande surprise, les avocats du client Ă©taient dâaccord avec ma collĂšgue. Au bout du compte, lâincident a Ă©tĂ© contenu, les autoritĂ©s de santĂ© et de sĂ©curitĂ© ont Ă©tĂ© appelĂ©es, des actions ont Ă©tĂ© mises en place et les mĂ©dias se sont dĂ©sintĂ©ressĂ©s de la situation.
Le dĂ©cĂšs Ă©tait une terrible tragĂ©die. La nĂ©gligence avait permis Ă lâinfection de se propager. En matiĂšre de communication de crise, la situation Ă©tait cependant excellente. La leçon Ă retenir, selon moi, est que plus le client est sur la dĂ©fensive, plus il est probable quâune erreur sâest produite quelque part.
Des annĂ©es plus tard, jâai vu un cabinet de communication de crise, avec lequel je collaborais, mal gĂ©rer un autre dĂ©cĂšs. Des dĂ©clarations prĂ©liminaires ineptes, rien sur le site Internet, une Ă©quipe dâencadrement injoignable, une tentative grotesque de distraire lâattention (« regardez, dâautres ont fait bien pire »), une contre-attaque (blĂąmer quelquâun dâautre) et personne face aux camĂ©ras. Les journaux en parlent encore de temps en temps.
Lors dâune crise, la vĂ©ritĂ© est votre meilleure arme. Une communication de crise est efficace, d’abord parce qu’elle est authentique. Parce qu’elle est sincĂšre, elle est crue et donc efficace car impactante.