activisme communication de crise

Communiquer efficacement face Ă  une crise, c’est d’abord comprendre le monde qui nous entoure đŸ—ŁđŸ‘„

La communication de crise doit prendre en compte une rĂ©alitĂ© sociale : le tolĂ©rable d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui.

Pas un jour ne passe sans que nous entendions chez certains clients « aaaah ! Mais, AUJOURD’HUI, on ne peut plus rien dire 
 AVANT on pouvait dire cela sans problĂšme, cela ne choquait personne, cela faisait mĂȘme rire, cela ne gĂ©nĂ©rait pas une crise  ».

A l’Agence, je lis souvent alors, Ă  l’Ă©noncĂ© de cette phrase, dans les yeux Ă©bahis de mes collaborateurs, « OK BOOMER ».

L’un des brillants (mais cash) consultants en communication de crise de mon agence me disait d’ailleurs il y a quelques jours, « c’est 100% une phrase de vieux cons » . Je partage assez son avis, Ă  vrai dire.

Je constate que beaucoup d’organisations sont encore immatures dans leur comprĂ©hension de l’opinion publique.

Le communicant de crise que je suis, fait un constat clair : le tolĂ©rable d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas de limites Ă  la libertĂ© d’expression, chacun a Ă©videmment le droit d’avoir son opinion, ses idĂ©es et de les exprimer comme il l’entend. La question n’est pas lĂ .

La rĂ©alitĂ© est que de nombreuses minoritĂ©s sociales, ignorĂ©es, moquĂ©es ou mĂ©prisĂ©es ces derniĂšres annĂ©es, se sont transformĂ©es en militants activistes pour dĂ©fendre leurs convictions. Ils ont compris qu’il y avait lĂ  un moyen efficace de faire changer les choses durablement.

Ainsi, l’exploitation animale, les violences faites aux femmes ou aux enfants, les nuisances et les malveillances contre l’environnement, 
 tolĂ©rĂ©es ou invisibles hier, sont aujourd’hui (heureusement) fermement dĂ©noncĂ©es et combattues par des collectifs citoyens.

Les dirigeants doivent comprendre que la stigmatisation sociale et l’indignation collective sont devenues des leviers d’actions pour ces activistes, notamment sur les internets, par lesquels ils ont rĂ©ussi Ă  la fois Ă  capter l’attention du public, Ă  le sensibiliser Ă  leur cause et Ă  le faire rĂ©agir en s’engageant sur les contenus publiĂ©s.

Flight Shaming et Sleeping Giants, deux exemples concrets de mobilisation sociale entrainant des crises à répétition.

C’est ainsi qu’est, par exemple, nĂ© le Flight Shaming. Les enjeux environnementaux du moment conduisaient dĂ©jĂ  de plus en plus de personnes Ă  renoncer Ă  prendre l’avion. Mais, il s’agit ici d’autre chose : la honte de voler. La stigmatisation sociale produite par ces activistes sur internet vise Ă  crĂ©er un sentiment de honte chez les personnes sensibles au devenir de la planĂšte face Ă  l’idĂ©e de prendre l’avion et de participer aux effets nĂ©fastes du transport aĂ©rien sur l’environnement. Ces militants pointent dĂ©sormais systĂ©matiquement du doigt le bilan carbone des vacances sur vos photos qui font rĂȘver sur instagram. Cette honte est si forte et elle s’est si vite rĂ©pandue que l’industrie aĂ©rienne anticipe aujourd’hui une baisse importante du trafic Ă  moyen terme. C’est dire Ă  quel point les vagues d’opinion doivent ĂȘtre suivies de prĂšs par les organisations.

C’est aussi le cas des Sleeping Giants, ce collectif de militants agissant sur les rĂ©seaux sociaux dont l’objectif est la lutte contre le financement des discours de haine sur internet et dans les mĂ©dias qui appellent les annonceurs Ă  retirer leurs publicitĂ©s de certains supports digitaux afin de ne pas s’associer Ă  leurs contenus.

Nous travaillons au quotidien avec des organisations afin de rĂ©soudre des crises et leurs impacts produits sur l’image des marques ou des personnalitĂ©s. Nous constatons que l’opinion publique considĂšre majoritairement avoir une sorte de contrat psychologique avec elles.

L’opinion publique pense que ces organisations ou ces peoples ont des obligations envers elle. Cette impression est d’ailleurs gĂ©nĂ©ralement basĂ©e sur un sentiment et non pas sur la communication ou une promesse des marques.

Uber et Facebook, deux exemples de communication de crise mal gérées basées sur la rupture du pacte de confiance avec les utilisateurs.

C’est ce qu’a dĂ©couvert Facebook, lorsqu’en 2018 l’entreprise s’est retrouvĂ©e en plein scandale aprĂšs le partage de donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel avec la sociĂ©tĂ© Cambridge Analytica. Chacun sait qu’en utilisant Facebook, on donne sa permission pour que l’entreprise utilise nos donnĂ©es pour cibler la publicitĂ© qui nous est destinĂ©e. Quand on sait, plus ou moins, comment ses donnĂ©es sont utilisĂ©es et qu’on voit les publicitĂ©s pour les marques qu’on a indiquĂ© aimer, cela semble acceptable.

Nous faisons confiance à Facebook pour que l’entreprise protùge certaines des choses qui nous sont les plus chùres : nos conversations, les informations sur nos relations, nos souvenirs, les photos de nos enfants.

Cette grave violation de la confiance des utilisateurs de Facebook a brisĂ© cette confiance, l’entreprise a rompu son contrat psychologique avec ses utilisateurs.

C’est aussi ce qu’a dĂ©couvert Uber. EmbourbĂ©e dans une communication de crise que certains experts en communication de crise dĂ©signent comme minimaliste mais que je considĂšre comme totalement inadaptĂ©e, Uber a Ă©tĂ© confrontĂ© Ă  une grave crise qu’ils ont sous-estimĂ©e. Ainsi depuis plusieurs semaines, derriĂšre le hashtag #UberCestOver, des rĂ©cits insupportables de clientes d’Uber s’étalent sur les rĂ©seaux sociaux. Ces femmes victimes des chauffeurs d’Uber y racontent les agressions ou le harcĂšlement qu’elles ont subis pendant leur course.

Cette crise est terrible pour Uber qui semble ainsi avoir perdu dĂ©finitivement la faveur de nombreuses clientes. Cette crise est d’autant plus dommageable qu’elle remet en cause l’ADN mĂȘme de son activitĂ© : transporter de maniĂšre sĂ©curisĂ©e une personne.

Facebook a la responsabilitĂ© de protĂ©ger nos donnĂ©es et s’ils n’en sont pas capables, alors ils ne mĂ©ritent pas la confiance de leurs utilisateurs. Il en est de mĂȘme pour Uber. Uber a la responsabilitĂ© de protĂ©ger ses utilisatrices et s’ils n’en sont pas capables, alors ils ne mĂ©ritent pas la confiance de ces femmes pour les transporter d’un point Ă  un autre.

Oui, nous vivons une Ă©poque oĂč une partie de l’opinion est intransigeante sur certains sujets qui ont une charge Ă©motionnelle Ă©norme. C’est le cas de la protection de l’environnement, des droits des enfants, de la protection des animaux et des violences faites aux femmes ou encore du gaspillage. Ces prĂ©occupations sont au cƓur des convictions de militants qui se sont transformĂ©s en activistes digitaux et sociaux en ayant conscience de leur capacitĂ© Ă  faire plier une organisation et Ă  la contraindre Ă  changer de comportement ou Ă  rĂ©agir Ă  une situation jugĂ©e « inacceptable ».

Toutes les organisations doivent comprendre que si elles trahissent cela, elles en subiront des consĂ©quences lourdes et multiformes sur leur image, leur rĂ©putation, leur notoriĂ©tĂ© et leur valorisation. C’est dĂ©sormais le prix Ă  payer pour ne pas avoir compris le monde qui les entoure.

Florian Silnicki

 

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