Les organisations et personnalités publiques évoluent dans un environnement de plus en plus menaçant. Il leur faut naviguer entre les attentes morales du public, la “cancel culture”, l’image dégradée des entreprises et des politiques, les cyberattaques… Citons aussi des menaces moins connues, comme les tentatives régulières d’espionnage industriel. Tous les jours, nos clients portent plainte contre de faux journalistes. Cette chasse à l’information devient un phénomène de masse. « Bonjour, je suis journaliste à l’AFP, nous nous apprêtons à publier un article sur vous, juste pour vérifier nos informations, pouvez-vous nous confirmer que vous utilisez tel produit ? ».
Vérification faite – un coup de fil à la rédaction, encore du temps perdu – l’agence de presse n’emploie aucun journaliste de ce nom ! Plus question désormais de répondre aux mails qui ne proviennent pas de l’adresse officielle d’un média. Ce qui pose d’autant plus de problèmes que de plus en plus de « solos », sans carte de presse, sans rattachement à un média, se font journalistes.
Les médias sont d’ailleurs un objet de crainte permanente. Lorsqu’ils en sont avertis, le premier réflexe des dirigeants est souvent d’essayer d’empêcher la parution d’une enquête à charge. Ils consacrent en général beaucoup d’énergie à convaincre leur « dircom », leurs avocats et leurs agences de communication que l’article ne doit tout simplement pas paraître. Surtout si l’un d’entre eux s’est vanté de pouvoir « enterrer » le papier et a assuré que la crise disparaîtrait d’elle-même.
Leurs émissaires appellent le journaliste. On s’évertue à le convaincre que le sujet n’intéressera pas ses lecteurs, que les informations qu’il a recueillies ne sont pas exactes ou que ses questions se fondent sur des documents dérobés. Étape suivante, on lui envoie des mises en demeure, des courriers d’avocats, on le menace de sanctions pour utilisation de contenus illicites… Mais les journalistes sont habitués à ces pressions qui portent rarement leurs fruits. Ces campagnes peuvent même s’avérer contre-productives. La relation se crispe, le journaliste devient franchement hostile. Alors que s’il avait obtenu dès le départ une réponse transparente, si l’entreprise avait reconnu l’authenticité des documents tout en expliquant pourquoi elle a changé et ne commettrait plus les mêmes erreurs, sans doute l’article assassin, qui finira par sortir, aurait-il une tonalité bien différente.
Il est vrai qu’un seul article peut provoquer des dégâts incommensurables, même s’il est complètement faux. Il suffit de se souvenir de l’embarras de Raquel Garrido et Alexis Corbière en juin 2022, après un article du magazine Le Point signé Aziz Zemouri qui accusait le couple d’Insoumis d’avoir employé une femme de ménage sans papiers. Devant leurs démentis et la révélation de messages fabriqués de toute pièce, Le Point a finalement retiré l’article. Mais combien de commentaires malveillants ont-ils fusé entre temps ? Qu’en a retenu le public ?