Premier principe pour gérer une crise, collecter les informations au sein de l’entreprise, ce qui est déjà, comme nous l’avons vu, une tâche difficile. Il faut ensuite convaincre ses dirigeants de sortir du silence et de mettre au point une stratégie de prise de parole. J’ai évoqué ceux qui veulent se taire. Car nous assistons souvent à une première étape de repli. Ils ne veulent pas que cet article paraisse, que les agences de presse le reprennent, ils espèrent juste que tout disparaîtra, comme par magie. La « magie communicationnelle » ne réside ni dans l’effacement médiatique ni dans le « nettoyage Internet » mais bien dans la force du récit diffusé dans les médias.
Nous leur expliquons qu’au fond, les attentes exprimées par les journalistes sont aussi celles de leurs clients, de leurs actionnaires, de leurs banques, de tous ceux qui les épaulent, sans mauvaise intention. Que s’ils coopèrent, cela leur sera favorable. En deuxième étape, nous nous heurtons parfois à des réflexes inverses, où ils veulent trop en dire, tout dire. Ils insistent pour dévoiler des pans entiers de leurs affaires ou des montages financiers qui n’ont rien à voir avec le sujet et les mettent en danger. Leur prisme n’est pas celui du grand public, mais celui de la performance économique et ils n’ont pas conscience que leurs arguments financiers, qui peuvent plaire à leurs actionnaires, vont certainement choquer leurs clients ou leurs salariés et les syndicats. Je me mets généralement dans la peau d’un citoyen pour leur expliquer que les questions des journalistes sont celles que se posent tout un chacun.
Il n’est nul besoin non plus de révéler ses secrets de fabrication pour inspirer confiance. Quand je bois du Coca-Cola®, je n’ai pas besoin d’en connaître la recette précise, à partir du moment où j’en connais la composition pour m’assurer que rien ne mette en cause ma santé.
Ce dilemme s’est posé lors des soupçons qui ont frappé les voitures Tesla et leur système d’assistance de pilotage « Autopilot ». Après plusieurs articles relatant des accidents, la presse exigeait la preuve que l’Autopilot de Tesla ne mettait en danger ni les autres voitures, ni les piétons, en réclamant le détail de son algorithme. Or ce logiciel représente l’un des plus précieux secrets industriels de Tesla. Comment sortir de cette impasse ?
C’est là qu’une bonne communication de crise fait toute la différence. L’environnement informationnel compte beaucoup. Le communicant de crise doit toujours prendre en compte les informations qui peuvent venir « percuter » son récit médiatique. En l’occurrence, Tesla s’est trouvé en porte-à-faux lorsque son concurrent allemand Mercedes a annoncé qu’il était le premier constructeur auto à recevoir une certification de niveau 3 aux États-Unis pour sa technologie de conduite autonome AutoPilot. Tesla, qui faisait jusqu’ici référence dans ce domaine, n’avait, quant à lui, pas obtenu ce précieux sésame. Tesla l’avait promis, Mercedes annonçait l’avoir fait.
Le groupe américain a finalement répondu en s’appuyant sur les dossiers déposés lui ayant permis d’obtenir des agréments et des autorisations de tous les régulateurs. En s’appuyant sur la caution d’un tiers de confiance, les entreprises peuvent réussir à répondre à des interrogations légitimes sans dévoiler leur marque de fabrique.