masque

Tomber le masque

Comment parler de gestion de crise sans évoquer l’épidémie de Covid et les cafouillages initiaux de la communication gouvernementale ? Ses grossières maladresses ont occulté la prouesse exceptionnelle que représente la découverte d’un vaccin en quelques mois, ainsi que la vaccination de quasiment toute la population, malgré sa méfiance initiale. S’il fallait démontrer le poids de la communication dans la perception d’une réalité, nous disposons ici d’une démonstration éclatante.

Reprenons le déroulé de cette crise sanitaire sans précédent. Nous sommes le 11 mars, à cinq jours du premier confinement national jamais imposé en France. Devant la presse, la porte-parole du Gouvernement, Sibeth Ndiaye, est catégorique : un confinement généralisé est hors de question.

« Le but est de ne pas mettre le pays à l’arrêt. Nous voulons des mesures proportionnées ». Fermer les frontières ? Jamais. Prendre la température des voyageurs aux aéroports, comme l’Italie ou l’Asie ? Encore moins ! Elle aurait dû savoir qu’il ne faut jamais parler trop vite…

Mais on retiendra surtout de la ministre ses gaffes qui déclenchent « l’affaire des masques ». Quelques semaines plus tôt, elle affirmait déjà que les masques n’étaient pas nécessaires. Le 18 mars, au deuxième jour du confinement, les journalistes l’interrogent sur la polémique naissante sur un manque de masques. Le Gouvernement martèle en effet que les masques sont réservés aux soignants et pour cela interdits de vente au grand public. Lequel, de toute façon, nous dit-on, n’en a selon lui nul besoin, puisque ces masques sont « inutiles quand on n’a pas de symptômes ». Sauf que la réalité est tout autre. Les médecins, à l’hôpital comme en ville, cherchent désespérément ces protections indispensables.

Le doute s’installe. Le Gouvernement inventerait-il des arguments pour gérer la pénurie, fruit d’une imprévoyance ? La porte-parole, embarrassée, reconnaît pour la première fois, du bout des lèvres, que la France souffre d’une pénurie. Dans la foulée, agacée par un journaliste qui lui demande « où sont les masques » pour toutes les professions qui en ont besoin, elle lui rétorque : « Vous savez quoi ? Je ne sais pas utiliser un masque ! Je pourrais dire, je suis ministre, je me mets un masque. Mais en fait, je ne sais pas l’utiliser ! Les masques ne sont pas nécessaires pour tout le monde, parce que l’utilisation d’un masque, ce sont des gestes techniques précis ». Sa répartie déclenche une explosion de moqueries. Mais, ce qui est bien plus grave, de méfiance. Ne ment-elle pas, et Emmanuel Macron avec elle, dans le seul but de justifier la pénurie ? Ce sentiment s’ancre si profondément dans les esprits qu’il va saper définitivement la crédibilité de l’exécutif.

Les oppositions, tout comme les soignants, lancent un procès en impréparation coupable, non seulement pour le manque de masques mais aussi de tests, de blouses, de charlottes, de respirateurs… Bref, de tout. Les masques deviennent une obsession. Cette graine insidieuse va ensuite nourrir le sentiment anti-vaccin.

Et pourtant, la catastrophe n’aura pas lieu. Tétanisé par des sondages qui montrent des antivax majoritaires – un comble au pays de Pasteur –, le Gouvernement tarde à annoncer son intention de lancer la campagne de vaccination. Même Emmanuel Macron, sans doute pour ménager l’opinion, déclare fin 2020 que l’on n’autorise pas à la légère un produit « que l’on va inoculer dans votre corps ». Rien de rassurant ! Heureusement, le réel s’impose, ainsi que les avantages du vaccin. La vague irrationnelle recule aussi vite qu’elle est apparue et près de 90 % des Français iront se faire vacciner. En revanche, malgré les indéniables succès de la science, malgré l’engagement de l’Europe sur la gestion des vaccins, le ressenti d’une bonne partie de l’opinion, jusqu’à aujourd’hui, reste figé sur « l’affaire des masques », comme un disque rayé.

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